séminaire oral
du 19 Mars 1974
Jacques Lacan
1973-1974
En rapport avec les documents sonores disponibles en archives
au groupe
Lutecium,
le texte proposé sur cette page est une transcription écrite
intégrale de la séance énoncée le 19 mars 74,
relue à l'aide de la bande son, (mise à jour 2004).
Transcription de la version
sonore originale
Quoi que je dise - je dis "je" parce
que je m'y suppose, à ce dire, dont pourtant il y a de fait qu'il
soit de ma voix - quoi que je dise, ça va faire, faire surgir deux
versants : un bien et un mal. C'est justement de ce qu'on m'a attribué
de vouloir que l'Imaginaire ce soit caca, popo, un mal, et que ce qui serait
bien serait le Symbolique.
Me revoilà donc à formuler une éthique.
C'est de ça que je veux dissiper le malentendu par ce que cette
année je vous avance de cette structure de noeud, où je mets
l'accent sur ceci : que c'est du trois que s'y introduit le Réel.
Tout ceci n'empêche
pas que ce noeud lui-même, il est singulier si ce que j'ai la dernière
fois avancé est vrai, renseignez-vous auprès des mathématiciens,
c'est à savoir que ce noeud si simple, ce noeud à trois,
l'algorithme, à savoir ce qui permettrait d'y apporter ce à
quoi le Symbolique aboutit (bruits), ce qui permettrait d'y apporter ce
à quoi le Symbolique aboutit, à savoir la démonstration,
l'articulation en termes de vérité, si cet algorithme, nous
en sommes réduits à y constater notre échec, notre
échec à l'établir, à le manier, d'où
il résulte qu'au moins jusqu'à nouvel ordre ces noeuds, ces
noeuds dont je puis faire l'écriture, je vous l'ai fait la dernière
fois, sous plus d'une forme, vous en êtes réduits, sur la
base de cette écriture, à l'imaginer dans l'espace.
C'en est même au point que si ce
que je peux faire sous sa forme la plus simple, ces noeuds projetés,
projetés comme je vais vous le montrer...

ils tiennent de ce que, ici ce que je vous dessine, c'est
quelque chose que vous pouvez imaginer, à savoir en quoi cette troisième
boucle, de s'instaurer d'un trajet qu'est ces deux noeuds indépendants,
voyez, c'est-à-dire imaginez ces deux noeuds indépendants
qui fait ce noeud triple, que j'appelle le noeud borroméen, ceci
qui ainsi représenté vous est imaginable dans l'espace, vous
pouvez le voir, tout aussi bien que n'importe quelle autre façon
que j'aurais eue d’écrire ce noeud, vous pouvez constater que c'est
aussi une écriture : à savoir qu'en en effaçant un,
je pourrais calculer que les deux autres sont libres, je veux dire, un
quelconque.
Qu'est-ce qui fait imaginaire, dans
la façon dont ici vous pouvez sentir que dans l'espace ils sont
tenus, que ceci même est écriture car il suffit que vous en
effaciez un pour pouvoir repérer que les deux autres sont libres,
à ce seul titre qu'ils se recoupent d'une certaine façon
qui, elle, est nommable de ceci : c'est à savoir que le dessus et
le dessous forment deux couples, deux couples appariés de ce que
les deux dessus se suivent et que les deux dessous ne sont pas sur la même
ligne. Je veux dire qu'ils se succèdent par rapport aux deux dessus,
qu'il y a un tour qui veut que, pour démontrer que deux de ces cercles
sont libres, il suffit qu'il y ait deux dessus qui se suivent, puis deux
dessous qui viennent après, j'ai dit sur la même ligne. J'ai
probablement tout à l'heure fait une erreur en disant qu'ils ne
sont pas sur la même ligne, c'est un lapsus.
L'énigme de
l'écriture, de l'écriture en tant que mise à plat,
est là : c'est qu'aussi bien, à tracer ce qui est essentiellement
de l'ordre de l'imaginable, à savoir cette projection dans l'espace,
c'est encore une écriture que je fais, à savoir ce qui est
énonçable, énonçable de cet algorithme, ici
le plus simple, à savoir une succession.
Ce coinçage, à
savoir qu'à l'imaginer, vous retrouvez l'idée de la norme,
que la norme est imaginable dès qu'il y a support d'image et que
là nous sommes toujours amenés à en privilégier
une, une imagination de ce qui fait bonne forme ; curieuse rechute, pourquoi
la forme est-elle dite bonne ?
Car, après tout,
pourquoi ne l'aurait-on pas appelée, simplement, pour ce qu'elle
est, à savoir belle ? Nous reglissons, avec l'antique kalokagathos
dans cette ambiguïté, dans cette ambiguïté qui,
elle, s'avoue à cette date, à la date où c'était
ainsi que les Grecs s'exprimaient, et qu'en fin de compte, ce qu'on retrouve
toujours, c'est le titre de noblesse, l'ancienneté de la famille,
ce qui, comme vous le savez, est pour le généalogiste, toujours
trouvable, pour n'importe quel imbécile et donc aussi pour n'importe
quelle imbécillité.
Je ne vois pas
pourquoi je m'empêcherais d'imaginer quoi que ce soit, si cette imagination
est la bonne et ce que j'avance, c'est que la bonne, elle ne se certifie
que de pouvoir se démontrer, se démontrer au Symbolique,
ce qui veut dire à l'intituler Symbolique, à une certaine
démantibulation de la langue, en tant qu'elle fait accéder
à quoi ? A l'inconscient.
L'imaginaire n'en reste
pas moins ce qu'il est, à savoir d'or, d apostrophe,
o,
r, et ceci est à entendre qu'il dort.
Il dort, si je
puis dire, au naturel. Ceci dans la mesure où je ne le réveille
pas spécialement sur le point des éthiques précédentes.
Trop soucieux que
je suis... de celle, de cette éthique nommément, avec quoi
je voudrais rompre, celle du Bien, précisément.
Mais comment faire
si réveiller, c'est, dans l'occasion, rendormir, si dans l'Imaginaire,
il y a quelque chose qui nécessite le sujet à dormir ?
Rêver n'a
pas seulement dans lalangue, lalangue dont je me sers, cette
étonnante propriété de structurer le réveil.
Il structure aussi
la rêve-olution. Et la révolution, si nous l'entendons bien,
ça va plus fort que le rêve. Quelquefois, c'est le rendormissement
mais cataleptique. Il faudrait arriver à ce que je promeuve, que
je fasse entrer pour vous dans vos cogitations ceci, ceci que l'Imaginaire
est la prévalence donnée à un besoin du corps, qui
est de dormir.
Ce n'est pas que
le corps, le corps de l'être parlant, ait plus besoin du sommeil
que les autres animaux, sans que nous sachions d'ailleurs toujours en donner
le signe, que les autres animaux qui, eux, fonctionnent avec le sommeil.
La fonction de
sommeil, d'hypnose, chez l'être parlant, ne prend cette prévalence
dont j'ai parlé pour l'identifier à l'Imaginaire même,
ne prend cette prévalence que de l'effet de cette nodalité,
de cette nodalité qui ne noue, ne noue le Symbolique à l'Imaginaire,
mais aussi bien vous pourriez là mettre n'importe quel autre couple
des trois, ne les noue que de l'instance, l'instance du trois en tant que
je la fais celle du Réel.
Si donc je vous réveille,
à l'endroit de ce dont tout de même notre antique
kalokagathos
nous permet de date
r la formule dans le Souverain Bien d'Aristote, quand
j'ai fait l'Ethique de la psychanalyse, c'est à l'Éthique
à Nicomaque que je me suis référé, référé
comme départ, mais je me suis gardé là-dessus de réveiller,
car si je réveille à l'imaginaire manifeste de ce Souverain
Bien, que ne vont-ils pas rêver ? Non pas qu'il n'y a pas de Bien,
ce qui les entraînerait un tout petit peu trop loin pour leur bien-être,
mais qu'il n'y a pas de souverain, moyennant quoi, le souverain effectif,
celui qui sait user du noeud, trouve son affaire parce que c'est par là,
parce que c'est par là que le sommeil fait désirer à
ceux, assez à ceux, pour qu'il rencontre chez eux la complicité
du rêve, à savoir le désir que ça continue à
bien dormir. Il convient donc que tout énoncé se garde, se
garde justement en ce qu'il rêve-olutionne de maintenir le règne
de ce à quoi il réveille.
Petite parenthèse,
puisqu'aussi bien cela n'est pas aisé à comprendre, comme
motif de ce discours dans lequel je me trouve pris, du fait d'en être
le sujet de par mon expérience, l'expérience dite analytique.
Bien sûr,
y a-t-il ceux qui, pour ce que cette expérience, ils ne la mettent
pas au pied du mur, ils ne s'y exposent pas comme telle, ont tout de même
soupçon de quelque chose qui les démange. Les simplement
démangés n'ont pas beaucoup d'imagination. Quand ils flairent
quelque chose des suites de mon discours, ils dégottent quelque
trait biographique, par exemple ceci : que j'ai fréquenté
les surréalistes et que mon discours en porte la trace. Il est tout
de même curieux qu'avec lesdits surréalistes, je n'ai jamais
collaboré. Si j'avais dit ce que je pensais, à savoir qu'avec
le langage, je veux dire en s'en servant, ce qu'ils démolissaient,
c'était l'Imaginaire, qu'est-ce que je n'aurais pas produit ! Je
les aurais peut-être réveillés. Réveillés
simplement en sursaut à ceci que je me serais trouvé bel
et bien dire, c'est que de l'un à l'autre, de l'Imaginaire au Symbolique
dont justement ils ne soupçonnaient pas l'existence, ils rétablissaient
l'ordre.
Est-ce que je peux
vous faire entendre que le sort de l'être parlant, c'est qu'il ne
peut dire, qu'il ne peut même pas dire "j'ai bien dormi", c'est-à-dire
du sommeil profond, "j'ai bien dormi de telle heure à telle heure",
pour la simple raison qu'il n'en sait rien, ses rêves encadrant ce
sommeil profond ayant consisté dans le désir de dormir. C'est
seulement à l'extérieur, à savoir lui soumis à
l'observation d'un électro-encéphalogramme par exemple, que
peut se dire qu'effectivement de telle heure à telle heure le sommeil
était profond, c'est-à-dire pas habité de rêves,
ces rêves dont je dis qu'ils sont le tissu de l'Imaginaire, qu'ils
sont le tissu de l'Imaginaire en tant que c'est d'être pris dans
le noeud, ce Réel, que son besoin, son besoin principal devient
cette fonction élue : la fonction de dormir.
Ce passage de l'Imaginaire
au crible du Symbolique, suffit-il à donner à l'énoncer
le premier, celui de l'Imaginaire, le tampon "bon", "bon pour le service"
? Le service de quoi ? Je ne crois pas forcer la note en posant cette question,
puisqu'il faut bien le dire, personne n'a jamais approché cette
question sans soulever par quelque bout une idée de souveraineté,
c'est-à-dire de subordination. C'est vrai que le Bien ne peut être
dit que souverain. Est-ce que vous ne sentez pas que c'est là que
se dénonce quelque chose comme une infirmité, je fais appel
à ceux qui, justement, ont l'Imaginaire éveillé, à
condition que ça ne supporte chez eux aucun espoir car il est tout
à fait entendu que je ne dis, moi, rien de tel, mais que je ne dis
pas le contraire non plus : à savoir que le Bien est souverain.
De sorte que le dit Imaginaire, mon dire de nos jours y opère certes
mais que ce n'est pas par là qu'il l'attaque, il dit seulement que
l'Imaginaire, c'est ce par quoi le corps cesse de rien dire qui vaille
de s'écrire autrement que : "J'ai dormi de telle heure à
telle heure".
Tout ça ne change rien au fait que ça démange.
La vérité démange, même ceux que sans trop y
croire j'appelle les canailles parce que, en fin de compte, il suffit que
la
vérité démange pour que ça touche au vrai par
quelque biais. Dites n'importe quoi, ça touchera toujours au vrai.
Si ça ne touche pas au vôtre, pourquoi ça ne toucherait-il
pas au mien ? Voilà le principe du discours analytique, et c'est
en cela [47' brève coupure
son...]1en
quoi je lui ai dit que, commencer comme il le fait par ce qu'il appelle
le contre-transfert, si par là il veut dire : en quoi la vérité
touche l'analyste lui-même, il est sûrement dans la bonne voie,
puisqu'après tout, c'est là que le vrai prend son importance
primaire et que, comme je l'ai fait remarquer depuis longtemps, il n'y
a qu'un transfert, c'est celui de l'analyste, puisqu'après tout
c'est lui qui est le sujet supposé au savoir. Il devrait bien savoir
à quoi s'en tenir là-dessus : sur son rapport au savoir,
jusqu'où il est régi par la structure inconsciente qui l'en
sépare, de ce savoir, qui l'en sépare bien qu'en sachant
un bout, et je le souligne, autant par l'épreuve qu'il en a faite
dans sa propre analyse que par ce que mon dire peut lui en porter.
Est-ce à dire, est-ce à
dire que le transfert, ce soit l'entrée de la vérité
?
C'est l'entrée de quelque chose
qui est la vérité, mais la vérité dont justement
le transfert est la découverte, la vérité de l'amour.
La chose est notable, le savoir de l'inconscient,
le savoir de l'inconscient s'est révélé, s'est construit,
c'est bien le prix de ce petit livre, c'est son seul prix d'ailleurs, mais
ça vaut qu'on l'achète, la vérité de l'inconscient,
c'est-à-dire la révélation de l'inconscient comme
savoir, cette révélation de l'inconscient s'est faite de
façon telle que la vérité de l'amour, à savoir
le transfert, n'y a fait qu'irruption. Elle est venue en second. Et on
n'a jamais bien su y faire rentrer, si ce n'est sous la forme du malentendu,
de la chose imprévue, de la chose dont on ne sait que faire, si
ce n'est de dire qu'il faille la réduire, voire même la liquider.
Cette remarque à elle toute seule justifie qu'un petit livre sache
le faire valoir, car aussi bien faut-il se pénétrer de ceci,
que de l'expérience, de l'expérience analytique, le transfert,
c'est ce qu'elle expulse, c'est ce qu'elle ne peut supporter qu'à
en avoir de forts maux d'estomac.
L'amour, s'il passe ici par cet étroit
défilé de ce qui le cause, et de ce fait révèle
ce qu'il en est de sa véritable nature, voilà, voilà-t-il
pas qui vaille qu'on en répète la question ? Car il est difficile
de ne pas avouer que l'amour ça tient une place, même si jusqu'ici
on en a été réduit à, comme on dit, lui rendre
ses devoirs. Avec l'amour, on s'acquitte, on lui verse une obole, enfin
on tente de tous les moyens de lui permettre de s'éloigner, de se
tenir pour satisfait.
Comment donc l'aborder ? J'ai promis
à Rome, pour je ne sais plus quel jour, de faire une conférence
sur l'amour et la logique.
C'est bien en la préparant
que je me suis aperçu de l'énormité, en somme, de
ce que supporte mon discours, car il n'y a à peu près rien...2
[... ] ce n'est pas pour rien que Freud dans ce que je citais la dernière
fois, à savoir l'intitulé de la Psychologie dite justement
des
masses et l'analyse du Moi, en signalant que l'identification, là,
il la confronte à l'amour et ce sans le moindre succès, pour
essayer de rendre passable que l'amour participe en quoi que ce soit de
l'identification.
Simplement, là, s'indique que l'amour
a affaire à ce que j'ai isolé du titre du Nom du père.
C'est bien étrange. Le nom du père auquel j'ai fait tout
à l'heure l'allusion ironique qu'on sait, à savoir qu'il
aurait rapport à l'ancienneté de la famille, qu'est-ce que
ça peut être ? Qu'est-ce que là-dessus l'Oedipe, ledit
Oedipe, nous apprend ?
Eh bien, je ne pense pas que ça puisse
s'aborder de front. C'est pourquoi, dans ce que j'ai projeté aujourd'hui
de vous dire, ceci sans doute au titre d'expérience qui m'avait
moi-même fatigué, je voudrais vous montrer comme se monnaie
ce nom, ce nom qu'en, qu'en peu de cas, nous ne voyons pas au moins refoulé.
Il ne suffit pas pour porter ce nom que celle de qui s'incarne l'Autre,
l'Autre comme tel, l'Autre avec un grand A, celle dis-je, de qui l'Autre
s'incarne, ne fait que s'incarner d'ailleurs, incarne la voix, à
savoir la mère, la mère parle, la mère par laquelle
la parole se transmet, la mère, il faut bien le dire, en est réduite,
ce nom, à le traduire par un non, n.o.n. 3.,
justement, le non que dit le père, ce qui nous introduit au fondement
de la négation.
Est-ce que c'est la même négation
qui fait cercle dans un monde, qui à définir quelque essence,
essence de nature universelle, soit ce qui se supporte du tout, justement
rejette, rejette quoi ? hors du tout, mené de ce fait à la
fiction d'un complément au tout et fait à tout homme répondre
: de ce fait ce qui est non-homme, est-ce qu'on ne sent pas qu'il y a une
béance de ce non logique au dire-non ?
Au dire-non propositionnel, dirais-je,
pour le supporter.
A savoir ce que je fais fonctionner,
dans mes schèmes de l'identification sexuelle, c'est à savoir
que tout homme ne peut s'avouer dans sa jouissance, c'est-à-dire
dans son essence, phallique pour l'appeler par son nom, que tout homme
ne parvient qu'à se fonder sur cette exception de quelque chose,
le père, en tant que propositionnellement, il dit non à cette
essence.
Le défilé, le défilé
du signifiant par quoi passe à l'exercice ce quelque chose qui est
l'amour, c'est très précisément ce nom du père,
ce nom du père qui n'est non, n,o,n3.,
qu'au niveau du dire et qui se monnaye par la voix de la mère dans
le dire-non d'un certain nombre d'interdictions, ceci dans le cas, dans
le cas heureux, celui où la mère veut bien, de sa petite
tête, enfin proférer quelques nutations.
Il
y a quelque chose dont je voudrais désigner l'incidence. Parce que
c'est le biais d'un moment qui est celui que nous vivons dans l'histoire.
Il y a une histoire, quoique ce ne soit pas forcément celle qu'on
croit, ce que nous vivons est très précisément ceci
: que curieusement la perte, la perte de ce qui se supporterait de la dimension
de l'amour, si c'est bien celle non pas que je dis, je ne peux la dire,
je ne peux pas la dire, à ce nom du père se substitue une
fonction qui n'est autre que celle du nommer à.
Être nommé à quelque chose, voilà
ce qui point dans un ordre qui se trouve effectivement se substituer au
Nom-du-père.
A ceci près qu'ici la mère
généralement suffit à elle toute seule à en
désigner le projet, à en faire la trace, à en indiquer
le chemin.
Si le désir de
l'homme, je l'ai défini pour être le désir de l'Autre,
c'est bien là que ça se désigne dans l'expérience.
Et même dans les cas où
comme ça par hasard, enfin, il se trouve que par un accident elle
n'est plus là, c'est quand même elle, elle, son désir,
qui désigne à son moutard ce projet qui s'exprime par le
nommer
à.
Être nommé à
quelque chose, voilà ce qui pour nous à ce point de l'histoire
où nous sommes, se trouve préférer, je veux dire effectivement
préférer, passer avant, ce qu'il en est du nom du père.
ll est tout à fait étrange
que, là, le social prenne une prévalence de noeud et qui
littéralement fait la trame de tant d'existences, c'est qu'il détient
ce pouvoir du nommer-à au point qu'après tout, s'en restitue
un ordre, un ordre qui est de fer.
Qu'est-ce que cette trace, cette trace désigne comme retour du nom
du père dans le Réel, en tant précisément que
le nom du père est verworfen, forclos, rejeté et qu'à
ce titre il désigne si cette forclusion dont j'ai dit qu'elle est
le principe de la folie même, est-ce que ce nommer à
n'est pas, est-ce que ce nommer à n'est pas le signe
d'une dégénérescence catastrophique ?
Pour l'expliquer, il faut, il faut que je donne plein sens
à ce que j'ai désigné du terme tel que je l'écris
de l'ek-sistence. Si quelque chose ek-siste à quelque chose, c'est
très précisément de n'y être pas couplé,
d'en être troisé, si vous me permettez ce néologisme.
La forme du noeud, puisqu'aussi bien
le noeud n'est rien de plus que cette forme, c'est-à-dire imaginable,
est-ce que ce n'est pas là que l'imaginable se désigne de
ne pouvoir être pensé ?
Pensé, c'est-à-dire
mis en ordre, enraciné non pas seulement dans l'impossible, mais
dans l'impossible en tant que démontré comme tel, rien n'est
démontré par ce noeud, mais seulement montré.
Montrer ce que veut dire l'ek-sistence
d'un rond de ficelle pour me faire comprendre, d'un rond de ficelle en
tant que ce n'est que sur lui que repose le noeud, de ce qui autrement
reste fou. L'explication ne mordant pas sur l'inexplicable.
Est-ce que ce n'est
pas là que nous devons chercher dans ce qui nous possède,
nous possède comme sujet, qui n'est rien d'autre qu'un désir
et qui plus est désir de l'Autre, désir par quoi nous sommes
d'origine aliénés, est-ce que ce n'est pas là que
doit porter, à savoir dans ce phénomène, cette apparition
à notre expérience que comme sujets, ce n'est pas seulement
de n'avoir nulle essence, sinon d'être coincés, squeezés
dans un certain noeud, mais aussi bien comme sujet, sujet supposé
de ce que squeeze ce noeud comme sujet ce n'est pas seulement l'essence
qui nous manque, à savoir l'être, c'est aussi bien que nous
ek-siste tout ce qui fait noeud.
Mais dire que cela
nous ek-siste ne veut pas dire que pour autant nous y existions d'aucune
façon.
C'est dans le noeud
même que réside tout ce qui pour nous n'est en fin de compte
que pathétique, ce que Kant a repoussé comme à l'avance
de notre éthique, à savoir de ce que rien dont nous pâtissions
ne puisse d'aucune façon nous diriger vers notre bien, c'est là
quelque chose qu'il faut entendre on ne sait comment, comme un prodrome,
comme un prodrome j'ose le dire, et c'est en cela que j'ai écrit
une fois Kant avec Sade, comme un prodrome de ce qui fait effectivement
notre passion, à savoir que nous n'avons plus aucune espèce,
aucune espèce d'idée de ce qui pour nous tracerait la voie
du Bien.
Au moment où cette
voie expire, au moment où Kant fait le geste de ce mince recours,
de cette liaison infime avec ce qu'Aristote a instauré comme l'ordre
du monde, les arguments qu'il avance, quels sont-ils ?
Pour faire sentir
la dimension de ce qui est le devoir, qu'avance-t-il ? Ce qu'il avance,
c'est prétendument qu'un amoureux près d'obtenir le succès
de sa jouissance y regardera à deux fois si, devant la porte de
sa maîtresse, le gibet est déjà dressé auquel
on l'attachera ; et d'opposer à cela que bien entendu personne ne
se risquera jamais à un pareil truc, alors qu'il est tout à
fait au contraire évident que n'importe qui est capable de le faire,
s'il en veut, simplement. Alors, qu'est-ce qu'il oppose à ça
? C'est que, comme si c'était là le signe d'une supériorité,
c'est que sommé par le tyran de diffamer un autre sujet, quelqu'un
y regardera à deux fois avant de porter un faux témoignage.
A quoi dans mon texte,
Kant avec Sade, car j'ai écrit des
choses très bien, des choses auxquelles personne ne comprend rien,
bien sûr, mais c'est simplement parce qu'ils sont sourds, bon...
à quoi j'ai opposé : mais si pour désigner à
la main du tyran celui que le tyran désire atteindre, il suffisait
non pas d'un faux, mais d'un vrai témoignage !
Ce qui suffit bien
sûr à foutre tous les systèmes par terre pour la raison
que la vérité, la vérité est toujours pour
le tyran.
C'est toujours vrai que le tyran,
on ne peut pas le supporter et par conséquent, celui que le tyran
veut atteindre, il a déjà ses raisons pour ça, ce
qu'il lui faut, c'est un semblant de vérité.
Le biais, le biais
par où ici Kant fait la fente, ce biais n'est pas bon, d'où
il résulte la formule qui se dégage simplement de ces deux
termes entre quoi Kant fait la rentrée de la raison pratique, c'est-à-dire
du devoir moral, c'est que l'essence, l'essence de ce dont il s'agit dans
le bien, c'est que le corps force sa jouissance, à savoir la réprime,
et simplement, ceci au nom de la mort, de la mort de soi ou de la mort
de quelqu'un d'autre, dans l'occasion celui qu'il songera à épargner,
mais cette formule une fois serrée, est-ce que cela ne réduit
pas le Bien à sa juste portée, est-ce que hors ces termes,
ces termes dont se font les trois, les trois du Réel, en tant que
le Réel lui-même est trois, à savoir la jouissance,
le corps, la mort, en tant qu'ils sont noués, qu'ils sont noués
seulement, bien entendu, par cette impasse invérifiable du sexe,
c'est bien là que se véhicule la portée de ce discours
nouveau venu dont ce n'est pas rien que quelque chose l'ait nécessité,
le discours analytique dont vous me permettrez de reprendre le relais le
9 mai, le 9 mai deuxième mardi, et non pas ensuite le troisième,
mais le quatrième, le quatrième, qui ne sera pas donc celui
d'après Pâques, le 16 avril, mais celui du 23...
(De loin...)
Le 9 avril, pas mai, avril !
1. version CB : c'est
en cela [que j'ai dit quelque part - et à quelqu'un qui a fait,
ma foi, un fort joli petit livre sur le transfert, c'est le nommé
Michel Neyraut - ] en quoi je lui ai dit [...]
2. coupure son, version
CB: [... qui m'ait paru dans le passé en rendre compte si peu que
ce soit. C'est là que je m'aperçois qu'en fin de compte...
]
3. Lacan épelle "n, o, n".