Les non dupes errent
(13)
Sommaire de l'année
Séminaire oral du 14 Mai 1974
Jacques
Lacan
1973-74
En rapport avec les documents sonores disponibles en archives
au groupe
Lutecium,
le texte proposé sur cette page est une transcription écrite
intégrale de la séance énoncée le 14 mai 74,
relue à l'aide de la bande son (mise à jour 2004).
Transcription de la version
sonore originale
Les non dupes
errent ... Ça ne veut pas dire que les dupes n'errent
pas. Si nous partons de ce qui se propose comme une affirmation, entendez-vous
? entendez-vous comme ça, si je suis en face du machin ?... Que
la personne qui m'a dit qu'on n'entend rien, réponde : est-ce qu'elle
entend ?
Disons que c'est introduire par cette
affirmation que les non dupes pourraient bien, sans plus, ne pas errer.
Mais déjà, ceci nous introduit à la question que pose
la double négation. Être... n'être pas non dupe, est-ce
que ça se ramène à être dupe ? Ceci suppose
et ne suppose rien de moins qu'il y a un univers, qu'on puisse avancer
que l'univers, tout énoncé le divise, qu'on puisse dire :
l'homme
et que si on le dit, je veux dire : de le dire tout le reste devient non
homme.
Un logicien, puisque j'avance que
la logique c'est la science du Réel, un logicien a fait un pas bien
longtemps après Aristote : qu'il ait fallu attendre Boole pour qu'en
1853 sorte An Investigation of Laws of Thought,
Une Investigation
sur les Lois de la pensée, qui sur Aristote a déjà
cet avantage d'être un pas, une tentative de coller à ce qu'il
prétend observer, fonder en somme a posteriori comme constituant
les lois de la pensée. Que fait-il ? Il écrit très
précisément ce que je viens de vous dire, c'est à
savoir qu'à partir de quoi que ce soit qui se dise et qui s'énonce,
et les choses pour lui sont telles qu'il ne peut faire que d'avancer l'idée
de l'univers, il la symbolise par un chiffre, un chiffre qui y convient,
c'est le chiffre 1; il écrira donc, de tout ce qui se propose comme
notable, notable dans cet univers, il écrira donc x, il le laisse
vide cet x, puisque c'est là le principe de l'usage de cette lettre,
c'est quoi que ce soit qui soit notable dans l'univers.
(à Madame Gloria Gonzalès : Si
vous me trimbalez ça, ça m'aidera à aller au tableau.)
Oui, x, écrit-il, multiplié par
1-x,
ceci ne peut que s'égaler à zéro :
x (1 - x) = 0
Ceci ne peut,
pour peu qu'on donne ce sens à la multiplication, que noter l'intersection.
C'est de là qu'il part. C'est en tant que x est notable dans l'univers
que quelque chose se sustente seulement du non, aux hommes s'opposant les
non-hommes comme tels, tout ce qui subsiste comme notable étant
là considéré comme subsistant comme tel. Or il est
clair que ce qui est notable n'est pas comme tel individuel ; que déjà
dans cette façon de poser l'ek-sistence logique, il y a quelque
chose qui dès le départ paraît fâcheux.
Comment se fait-il qu'il soit posé sans critique, le thème,
le thème posé de l'univers ? Si je crois pouvoir cette année
supporter du noeud borroméen quelque chose, quelque chose qui certes
n'est pas, n'est pas une définition du sujet, du sujet comme tel
d'un univers, c'est en cela, fais-je une fois de plus remarquer, que ma
tentative n'a rien de métaphysique, je veux dire, je veux dire à
ce propos que la métaphysique est ce qui se distingue de supposer,
de supposer comme tel le sujet, le sujet d'une connaissance. C'est en tant
qu'elle suppose un sujet que la métaphysique se distingue, se distingue
de ce dont ici j'essaie d'articuler les éléments, à
savoir ceux d'une pratique et ceci dans le fil de l'avoir définie
comme se distinguant, se distinguant de quelque chose qui est de pure place,
de pure topologie et qui fait de là s'engendrer la définition
située seulement de la place de cette pratique de ce qui s'annonce,
dès lors s'avance comme étant trois autres discours. C'est
là un fait, un fait de discours, un fait par lequel j'essaie
de donner au discours analytique sa place d'ek-sistence.
Qu'est-ce
qui, à proprement parler ek-siste ? N'ek-siste comme l'orthographe
dont je modifie ce terme le marque, n'eksiste dans toute pratique que ce
qui fait fondement du dire ? Je veux dire ce que le dire apporte comme
instance dans cette pratique. C'est à ce titre que j'essaie de situer
sous ces trois termes, le Symbolique, l'Imaginaire et le Réel, la
triple catégorie qui fait noeud et par là donne son sens
à cette pratique. Car cette pratique non seulement a un sens mais
fait surgir un type de sens qui éclaire les autres sens au point
de les remettre en cause, je veux dire de les suspendre. A quoi, comme
articulation, articulation dont au terme, au terme d'un progrès
fait pour susciter chez ceux qui soutiennent cette pratique, l'idée
de ce qu'est pour eux le Réel, je dis : le Réel, c'est l'écriture.
L'écriture de rien d'autre que ce noeud tel qu'il s'écrit
pour le dire, tel qu'il s'écrit quand il est selon la loi de l'écriture
mis à plat. Et je soumets ce que j'énonce à cette
épreuve de mettre en suspens la distinction, la distinction justement
subjective de l'Imaginaire, du Symbolique et du Réel, en tant qu'ils
pourraient en quelque sorte déjà porter avec eux un sens,
un sens qui les hiérarchiserait, en ferait un 1, 2, 3. Bien sûr,
ceci n'évitera pas que nous ne retombions sur un autre sens - comme
déjà il a pu vous apparaître du fait de ce que j'accentue
de l'association du Réel avec un trois, de l'Imaginaire avec un
deux, et du Réel justement - (lapsus du docteur Lacan) - et de,
et du Symbolique justement avec l'Un.
Quelque chose dans,
au niveau, dans les termes du Symbolique se pose comme Un. Est-ce un Un
soutenable d'aucune individuation dans l'univers ? C'est la question que
je pose et dès maintenant je l'avancerai sous cette forme, c'est
à savoir de poser la question à propos de l'écriture
de Boole. Si le Un que Boole avance comme suffisant à répartir
la vérité : s'il y a x, il n'est pas vrai que si, que l'x
soustrait du Un soit autre chose que tout le reste, que tout le reste de
nommable. Il n'y a là rien que de saisissant, à constater
que Boole lui-même, à écrire ce qui résulte,
ce qui résulte de l'écriture de ses termes dans une formule
mathématique soit amené à y fonder que le propre de
tout x, de tout x en tant qu'énoncé, c'est que x moins
x deux égale zéro, ce qui s'écrit x égale
x2
x - x2 =
0
x = x2
je veux dire à se supporter d'une formule mathématique.
Il est étrange
que là une note de son livre, du livre dont je vous ai donné
tout à l'heure la date, la date majeure en ce sens que c'est à
partir de là qu'une nouvelle... un nouveau départ de la spéculation
logique s'est pris et qu'un nommé Charles Sanders Peirce dont je
vous ai déjà parlé peut par exemple améliorer
à son dire la formulation de Peirce (Boole) en
en montrant qu'en certains points il puisse en résulter qu'elle
se fourvoie. Ceci à mettre en évidence ce qui résulte
des fonctions à deux variables, à savoir non pas seulement
x mais x et y, et en y montrant ce que... ce où moi-même j'ai
cru devoir prendre que la fonction dite du rapport peut là servir
à nous montrer que, pour ce qui est du sexuel, ce rapport ne peut
pas s'écrire.
Pourquoi, se demande Boole, plutôt
que d'écrire x = x2 et
l'inverse, ne pourrait-on écrire x = x3?
Il est frappant que Boole - et ceci
à partir de la notion de la vérité comme séparant
radicalement ce qu'il en est de l'un et du zéro, car c'est du zéro
qu'il connote, connote l'erreur - il est frappant
que
cet univers, dès lors solidaire comme tel de la fonction de la vérité
lui paraisse limiter l'écriture, l'écriture de ce qu'il en
est de la fonction logique, à la puissance deux de x quand la puissance
trois, il se la refuse. Il se la refuse pour ceci que mathématiquement
elle ne serait supposable, supposable dans l'écriture que d'y ajouter
un nouveau terme du produit, ce qu'il ne se refuse certes pas quand il
s'agit de faire fonctionner l'opération multiplication, il écrit
à l'occasion x y z et il peut, selon les cas, marquer
qu' x y z tels que les variables ont été situées
d'une certaine fonction, que x y z par exemple égale
aussi zéro.
Mais puisqu'il se limite à
des valeurs zéro et un, elle peut aussi bien prendre la fonction,
la fonction prenant sa valeur d'une certaine... d'un certain chiffrage
zéro et un pour chacun des trois, il peut, à faire x,
y et z, chacun égal à un, s'apercevoir que ce
n'est pas zéro qui en est le fruit.
Ainsi, qu'est-ce qui peut l'empêcher d'ajouter
à son (1 - x), un (1 + x) et de l'ajouter non
pas comme addition, de l'ajouter comme terme de la multiplication ? Il
voit alors très bien que (1 - x) multiplié
par (1 + x) donnant 1 - x2,
il aboutira, je n'ai pas besoin de vous le souligner, à ceci : c'est
que x - x3 sera
égal à zéro et que de ce fait x s'égalera
à x3
x ( 1 - x) ( 1 + x ) = 0
x - x3
= 0
x = x3
Pourquoi s'arrête-t-il,
s'arrête-t-il dans quoi ?
Dans l'interprétation
de ce que pourrait être cet x en tant justement qu'ajouté
à l'univers. Est-ce que ce n'est pas le propre de ce qui, à
l'univers, ek-siste, que de s'y ajouter ? C'est proprement ce que nous
faisons tous les jours et justement ce que je désigne d'un plus
à le supporter de l'objet petit a. Mais alors ceci nous suggère,
nous suggère ceci : c'est à savoir de nous demander si le
Un dont il s'agit, c'est bel et bien l'univers, à considérer
en tant qu'ensemble ou collection de tout ce qui y est individuable.
Je suggère,
m'est suggéré, disons à propos de cette écriture
de Boole de fonder ce qu'il institue de l'univers, car c'est comme tel
qu'il l'articule, qu'il lui donne son sens, de supposer que ce Un, loin
de surgir de l'univers, surgit de la jouissance. De la jouissance et pas
de n'importe laquelle, de la jouissance dite phallique et ceci pour autant
que l'expérience analytique nous en démontre l'importance.
Que de cette suite ce qui se pose comme logique, comme signifiant, mais
littéral : je veux dire inscriptible, en tant que l'inscription,
c'est de là que surgit dans notre expérience, la fonction
du Réel, du moins si vous me suivez, que quelque chose comme un
x à cette jouissance puisse s'ajouter et constituer ce que déjà
j'ai défini comme fondant le plus-de-jouir.
Il reste que Boole
est loin de ne pas indiquer que ce n'est pas seulement le rapport de la
jouissance au plus-de-jouir en tant que le plus-de-jouir ce serait justement
ce qui ek-siste, ek-siste à quoi ? justement au noeud dont j'essaie
pour l'instant de vous éclairer l'usage et la fonction. Il voit
très bien que pour aboutir à la fonction x = x3
et non plus seulement x2,
il voit très bien que le tiers terme, le terme (1 + x) peut
s'écrire autrement et nommément (-1 - x). Je
veux dire (-1 - x) pris dans une parenthèse, ce qui équivaut
mathématiquement
- je veux dire en tant que l'écriture est ce qui est mathématique
- ce qui peut s'inscrire ici d'un moins avant la parenthèse et de
(1+ x) mis à l'intérieur. J'écris :
et je
dis que c'est équivalent à l'addition ici de (- 1 - x)
tels
que Boole les ajoute pour les repousser, pour les repousser en tant
que la logique serait destinée à assurer le statut de la
vérité.
Mais pour l'instant,
ce à quoi nous visons n'est pas de donner son statut à la
vérité puisque la vérité, nous le disons, ne
s'énonce jamais que du mi-dire, qu'il est proprement impensable
sinon au lieu du dire de marquer qu'une proposition n'est pas vraie et
de la marquer d'une barre, d'une barre supérieure qui l'exclut et
la marque du signe du faux. Dans l'ordre des choses, en tant que le symbole
est fait pour y ek-sister, dans cet ordre des choses, il est proprement
quoiqu'en dise, quoi qu'en dise Boole étudiant ou prétendant
faire le statut de la pensée, il est impensable justement, il est
impensable de cliver quoi que ce soit de dénommable, de le cliver
d'un pur non pour désigner ce qui n'est pas nommé.
Est-ce à dire que nous devions
mettre à l'épreuve, mettre à l'épreuve ce qui
résulte du x3 =
x, assurément c'est déjà
quelque chose d'y voir fonctionner ce trois dont je marque comme tel Réel
et c'est ici que nous allons reprendre notre noeud borroméen.
Le noeud borroméen, si tant
est que son énoncé ek-siste à la pratique analytique,
que c'est lui qui permet de la supporter, je voudrais, à vous en
montrer une fois de plus l'exemple, dans cet espace qui est le nôtre,
sans que nous sachions, à l'heure qu'il est et ceci malgré
les citations d'Aristote, quel est le nombre des dimensions de cet espace,
j'entends celui-là même où des choses nous nommons
: regardez, ceci est la même chose que ce que j'ai d'abord dessiné
au tableau, c'est à savoir que vous avez ici un rond, un rond de
ficelle comme on l'a appelé justement la première fois que
j'ai introduit cette fonction.

Ce rond de ficelle, ces trois ronds de ficeIle les voici,
vous
voyez qu'ils tiennent ensemble. Ils tiennent pour autant qu'il y
en a ici un que j'ai mis horizontal, les deux autres étant verticaux
et les verticaux se croisant. Il est évident que ceci n'est pas
nouable... n'est pas dénouable !
Le noeud borroméen a fait comme tel travailler
beaucoup de personnes ici qui m'en ont même envoyé des témoignages.
Celui-ci est sa forme la plus simple.
Il est frappant
que dans les travaux - ce sont de véritables travaux qui m'ont été
envoyés sur ce point - travaux qui font leur part à toutes
sortes d'autres façons, il y en a d'innombrables, de nouer ces trois
de façon telle qu'ils permettent, avec le dénouement d'un
seul de ces trois ronds, de libérer exactement tous les autres et
je vous l'ai dit, quelqu'en soit le nombre. Mais pour nous limiter au trois,
puisque ce trois colle avec nos trois fonctions de l'Imaginaire, du Symbolique
et du Réel, ceci très précisément de ne pas
les distinguer, de voir jusqu'où le fait qu'ils soient trois et
de ce fait d'en faire la logique même du Réel, à savoir
de voir à quel moment nous allons pouvoir voir surgir, simplement
de ces trois, strictement équivalents, comme vous pouvez immédiatement
le percevoir - de ces trois de faire surgir l'amorce de ce qui y serait
différenciation. La différenciation s'amorce, s'amorce de
ceci, dont je suis étonné que dans ces travaux que j'ai reçus,
personne ne me l'ait fait remarquer, voici : par ces trois, tels qu'ils
sont ici disposés, sont déterminés, disons huit quadrants,
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8. J'en prends un, un quelconque et de ce quadrant
je tire la mise à plat, celle qu'ici vous allez voir - vous allez
voir de là où vous êtes, mais à être où
je suis, c'est certainement exactement pareil, c'est à savoir que
vous voyez que quelque chose s'y trouve déjà, du fait de
la mise à plat, s'y trouve déjà orienté. Je
veux dire que vous voyez certainement la même inscription du noeud
qui est celle que je vois, c'est à savoir que dans l'occasion pour
ce que je vous ai montré à avoir pris mon noeud de la façon
exhibée, c'est que par ma mise à plat quelque chose se dessine
qui s'inscrit à en suivre la forme, qui s'inscrit de la dextrogyrie.

Une
fois mis à plat tel qu'il est et retourné, je sais d'avance
que c'est la même dextrogyrie. Il suffit de faire ce petit travail,
enfin d'en imaginer le retournement et ceci aussi peut s'écrire...
on verra que ça n'est pas l'image en miroir, qu'à retourner
le noeud borroméen vous ne voyez pas quelque chose qui en est l'image
en miroir.
Est-ce que ceci ne rend pas d'autant
plus frappant ce fait, c'est qu'à reprendre mes quadrants, mettons
que tout à l'heure j'ai choisi - je ne sais pas si c'est effectivement
ce que j'ai fait - celui-là pour vous : en haut, à droite.
Si je prends celui que non seulement
j'ai mis en haut et à droite, mais que j'ai mis aussi en avant,
si je prends celui non plus en haut, à droite et en avant, mais
en bas, à gauche et en arrière, celui qui lui est strictement
opposé et si c'est de là que je pars pour le mettre à
plat de la même façon que je l'ai fait précédemment,
il est tout à fait notable - et vous pourrez le vérifier
- que ce qui résultera de cette mise à plat sera une façon
dont le noeud se coince, dont le noeud se serre exactement inverse, c'est
à savoir lévogyre.

Il sort donc du seul maniement déjà
du noeud borroméen, il surgit une distinction qui est de l'ordre
de l'orientation. Si l'un est dans le sens des aiguilles d'une montre,
l'autre sera dans le sens inverse. Il ne faut certes pas nous étonner,
nous étonner que quelque chose de cet ordre puisse se produire,
puisque c'est dans la nature des choses que l'espace soit orienté.
C'est même de là que procède la fonction dite de l'image
en miroir et de toute symétrie, d'une façon générale.
Je m'excuse
de l'âpreté de ce que mon discours d'aujourd'hui implique.
Simplement je vous note que ce fait de l'orientation pour les quadrants
opposés est quelque chose qui nous indique, nous indique déjà
qu'il est conforme à la structure du seul fait que l'orientation
surgisse du seul support, du seul support nodal dont ici je prends arme.
Il est concevable de ces ronds eux-mêmes d'y marquer un sens, c'est-à-dire
une orientation. En d'autres termes, pour prendre le dernier, celui qui
est écrit ici (I), de nous poser la question de ce qui résulte
de faire l'usage d'une orientation conforme à celle que nous avons
obtenue de deux espèces et de deux seulement qui sont différentes,
c'est à savoir de nous rendre compte qu'il en résultera une
figure, une figure telle que sa périphérie marquera de ce
fait la même orientation. Que faut-il pour qu'une de ces figures
se transforme dans l'autre, à savoir celle-ci également complétée
(II) ?

Vous avez vu à mon hésitation
la marque même de la difficulté qui se rencontre dans le maniement
des dits ronds de ficelle. Celle-ci est l'image de l'autre en miroir. Mais
qu'est-ce qui suffit à transformer l'une dans l'autre ? Quelque
chose qui est définissable de la très simple façon
suivante : c'est à savoir que, tel que vous voyez le noeud borroméen
s'étaler, vous voyez que l'un quelconque d'entre eux se manifeste
de couper chacun des deux autres d'une façon telle que l'un étant
libéré, l'un étant sectionné, les deux autres
soient libres. Ce qui veut dire qu'un de ces ronds peut tourner autour
d'un des deux autres et que ceci à soi tout seul nous donnera un
nouveau noeud borroméen. La loi de ce qui se passe dans l'occasion
est celle-ci : vous n'avez ici qu'à, je m'excuse de ne pas avoir
de craie de couleur, ça serait mieux, je la crayonne - qu'est-ce
qui se passe si nous rabattons un de ces noeuds, un de ces ronds, autour
d'un autre ? C'est très exactement ceci que nous obtenons - nous
obtenons de ce fait une nouvelle figure qui se - je vais l'effacer, l'ancienne
pour que vous la voyez mieux - nous obtenons une nouvelle figure qui a
pour propriété d'être de l'espèce de celle-ci,
c'est à savoir que, vous le voyez - celle-ci est effacée
- c'est à savoir que vous le voyez, la figure se présente
ainsi, nous avons ceci qui est resté invariable et les deux autres...
----- 
Voilà : les deux autres éléments
nous présentent - peu importe l'orientation qui est celle qui est
définie ici 1.
- c'est à savoir que, par rapport, n'est-ce pas, à ceci...
ceci étant marqué de petit a par exemple, vous aurez
à la suite une présentation comme ceci, c'est à savoir
que si ceci est b, vous aurez une inversion de sens du b et du c et une
inversion d'orientation de leur courbe, les choses se complétant
de la façon suivante. Voilà.
Ce qui importe
est ceci : c'est de voir que, à inverser, à inverser le petit
a
ce
qui en résulte, c'est une orientation totalement différente
du serrage du noeud, à savoir que du seul fait que nous ayons renversé
un des ronds, les deux autres éléments, ceux que nous n'avons
pas inversés, les deux autres éléments changent de
direction. Je veux dire que, comme il est concevable, que le segment, le
segment que je sectionne dans ce cafouillage, le segment qui se trouve
sectionné par retournement de ce rond qui était d'abord là,
le segment a changé de sens, c'est à savoir que à
l'un, à celui-ci, cet autre segment et celui-ci viennent se raccorder
d'une façon2. que
nous appellerons si vous le voulez bien, centripète, alors qu'auparavant
les trois étaient centrifuges. C'est bien en quoi quand nous retournerons
un rond de ficelle de plus, ce rond de ficelle restera dans son orientation
primitive pour le segment lui-même que nous allons avoir à
retourner, à savoir que si maintenant, après avoir retourné
a nous retournons b, b se trouvera garder le sens, le sens centripète,
mais alors ce sont les deux autres, à savoir un centrifuge et un
centripète, qui s'inverseront de sorte que le résultat en
sera : le centripète devenant centrifuge... et le centrifuge devenant
centripète, nous aurons de nouveau ici un centrifuge et deux centripètes.
Mais celui qui sera centrifuge sera un des centripètes retournés.
Est-ce qu'il
faut que je refasse tout ou est-ce que quelqu'un a suivi ?
Je me suis exposé
à, à ne même pas regarder de notes pour cette simple
raison, c'est que c'est la difficulté même du maniement, le
peu imaginable, si on peut dire, de ce noeud borroméen dont nous
essayons de tirer parti, c'est cela même que, que je ne suis pas
mécontent, enfin de mettre en valeur, n'est-ce pas, de mettre en
valeur de façon... voilà, après le deuxième
tour, n'est-ce pas, un lévogyre comme le précédent,
il s'introduit n'est-ce pas et c'est en tant que nous avons retourné
le b après avoir retourné le petit a que nous obtenons ceci
que nous avons un centrifuge, un... centripète à la place
du centrifuge qui est ici et un centrifuge à la place du centripète,
qui est ici, n'est-ce pas. Par conséquent, nous avons ici c, a,
et b.
On m'a posé
la question, on m'a posé la question dans un endroit où on
travaillait, on m'a posé la question de savoir quel rapport avait
ce noeud borroméen avec ce que j'avais énoncé des
quatre, je dirai, options, dites d'identification sexuée. En d'autres
termes, quel rapport pouvait avoir ceci avec le ...

Je vais maintenant
essayer de vous le dire. Supposons que nous donnions à ceci cette
position en quadrant que nous désignons selon la marque dans les
coordonnées cartésiennes, les huit quadrants en question.
Vous devez voir, vous apercevoir que, prenons le quadrant en haut à
droite et en avant, c'est par le rabattement, ah, enfin... bon, voilà
! C'est par le rabattement du rond de ficelle ici marqué, je veux
dire en tant que ce rond de ficelle, celui-ci donc, est tenu, voilà,
en tant que ce rond de ficelle est tenu de celui ici, à savoir celui
que j'appellerai ''l'en-profondeur", nous appellerons celui-ci le "haut",
et celui-ci le "plat ", (voir
figure suivante3.).
Bon, alors, le plat vient ici... et c'est celui-ci qui vient là4.
,
donc vert, bleu, rouge. C'est comme ça que les choses se présenteront.
Bon. C'est un petit peu... un petit peu différent. Voilà.
Vous vous donnerez un peu de mal, vous-mêmes, pour faire les choses,
parce qu'après tout, je m'aperçois que ça ne va pas
si aisément. Bon.
L'important est
ceci, c'est de, c'est de marquer que c'est à rabattre celui-là,
nommément le vertical vers la profondeur ; à rabattre celui-ci,
n'est-ce pas, celui qui était d'abord bien, bien marqué à
sa place ici, c'est à le rabattre ainsi que nous allons obtenir
le rond, le noeud borroméen tel qu'il se situe dans ce quadrant
à gauche du quadrant quelconque dont nous sommes partis. Dans ce
quadrant, donc, avec inversion, inversion de la lévogyrie,
n'est-ce pas, c'est-à-dire passage à la dextrogyrie, puisque
celui que j'ai fait en bas était un lévogyre. Je l'ai pris
ainsi parce que tels que les noeuds sont disposés, euh... tels que
les ronds de ficelle sont disposés, c'est ainsi que cela se noue.
Donc nous avons là une inversion. Ce qui veut dire que, pour prendre
les choses à les placer comme ici par exemple, dans ce quadrant-là,
n'est-ce pas, nous avons à passer dans celui-ci, nous avons une
première inversion. A passer dans celui-ci, nous avons une seconde
inversion, comme dans quelque direction, à condition que ce soit
une direction de symétrie par rapport à un des plans d'intersection,
nous avons aux trois extrémités un changement sur
le noeud borroméen, nous avons une inversion. Bon, si nous
passons par ici, c'est-à-dire que nous franchissons du haut en bas,
nous avons une nouvelle inversion, c'est-à-dire un retour de ce
qui était ici, du lévogyre. Ces opérations sont commutatives
à savoir qu'à passer ainsi, nous arrivons au même retour.


En d'autres termes,
c'est
aux quatre points d'opposition, c'est-à-dire sur les huit quadrants
à quatre quadrants définissables par si je puis dire l'inscription
dans le cube d'un tétraèdre, c'est à cela que nous
allons voir apparaître les quatre figures homogènes, toutes
les trois, dans l'occasion, lévogyres, puisque nous sommes partis
d'un lévogyre. Bon. Qu'en résulte-t-il ? Comment considérer
cette multiplication, si je puis dire, par quatre, de ce qui résulte
de simplement la mise à plat ou l'écriture du noeud borroméen.
Je propose simplement ceci, que vu l'heure je n'aurai à commenter
que la prochaine fois, c'est ceci : si, comme vous venez de le voir, c'est
d'une figure tétraédrique qu'il s'agit, une figure tétraédrique
en tant qu'elle est produite par la bascule de deux des ronds de ficelle
et on peut dire "deux, quels qu'ils soient". Quels qu'ils soient, nous
revenons à la figure lévogyre, pour la spécifier,
nous y revenons quel que soit celui des deux qui a été rabattu,
il en restera un qui n'a pas été rabattu. Celui qui reste
est évidemment le troisième, je veux dire celui qui reste
après que deux autres aient été rabattus. Que par
exemple, si nous faisons de ces ronds de ficelle, le Symbolique, l'Imaginaire
et le Réel, ce qui restera enfin et qui restera dans une position
centrifuge, ceci encore faut-il que vous le vérifiiez, je veux dire
que vous vous aperceviez que c'est à basculer S et I qu'à
la fin le R reste centrifuge. Il y a pour cela une bonne raison, c'est
que si vous avez bien vu la figure dernière, c'est le R, à
savoir disons le Réel, qu'il faudra basculer pour obtenir la figure
dernière, qui elle-même sera dextrogyre et sera tout entière
centrifuge. C'est une façon commode pour vous de retenir ce qu'il
en est au deuxième temps de ce qui se passe après deux bascules,
puisque vous devez comme je vous l'ai montré, vous devez tout à
l'heure retrouver dans le quadrant strictement opposé, celui dont
je vous ai parlé quand je vous ai fait cette remarque, cette remarque
que ça n'avait pas été trouvé... à
savoir qu'en passant d'un quadrant au quadrant strictement opposé,
au quadrant contradictoire, au quadrant diagonal, nous obtenons un noeud,
un noeud non plus si nous sommes partis du lévogyre, nous obtenons
un noeud dextrogyre. Bien.
Donc vérifiez
tout ceci à l'occasion, enfin en faisant des petites manipulations
comme celles que j'ai si bien ratées devant vous et vous verrez
en somme ceci : qu'à se maintenir dans le noeud lévogyre,
nous obtenons ce que j'ai qualifié ou spécifié de
tétraèdre, puisque vous voyez comment les choses se passent.
Vous pouvez faire, reconstituer : ici par exemple vous avez à prendre
une des faces du carré, n'est-ce pas, vous le tirez, vous reconstituerez
le cube, vous reconstituerez le cube à partir de ceci, c'est que
c'est toujours dans une disposition diagonale que se trouvent, diagonale
par rapport à une des faces du cube que se trouvent les quadrants
qui sont de la même, de la même espèce, de la même
espèce d'orientation et nommément dans l'occasion, de l'espèce
lévogyre.
Je vais seulement vous suggérer ceci : c'est
ce qu'il en sort à partir de la fonction de la jouissance, il en
sort ceci : c'est que quelque part dans une de ces extrêmités
du tétraèdre, quelque part se situe le :

il n'y a pas de x à dire non à F
de x
Quelque part, et nous allons le mettre :

il y a quelque chose qui dit non à F
de x
Quelque part, il y a :

A de x à savoir que : Tous en font fonction
Et que quelque part, vous avez :

Pas toutes ...
Bon. Ce n'est pas
par hasard que je l'ai mis sous cette forme, à savoir une forme
de base, si vous voulez 5.

Nous aurons en quelque sorte à
mettre en question ceci : le pas, non pas le pas exclusif
comme celui de tout à l'heure, le pas de ce qui existe à
dire non [...] 6..
Nous aurons d'autre part ce qui y dit oui, mais qui est dédoublé,
à savoir qu'il y a le tous, d'une part et d'autre part le
pas-tous,
autrement dit ce que j'ai qualifié du pas-toutes. Est-ce
qu'il ne vous apparaît pas que c'est là un programme, à
savoir prendre dans ce qui est sujet à l'examen, prendre la critique
de ce qu'il en est du
pas, de ce qu'implique le dire non, c'est
à savoir l'interdit et très nommément en fin de compte
ce qui, se spécifiant de dire non à la fonction phi de x,
dit non à la fonction phallique.
Le dire non
à la fonction phallique, c'est ce que nous appelons, dans le discours
analytique, la fonction de la castration :

II y a ce qui dit oui à la fonction
phallique et le dit en tant que tout, c'est-à-dire très nommément
un certain type qui est tout à fait nécessité par
la définition de ce que nous appelons l'homme. Vous savez que le
pas-tout m'a très essentiellement servi à marquer qu'il n'y
a pas de la femme, c'est à savoir qu'il n'y en a si je puis
dire que diverses et en quelque sorte une par une et que tout cela se trouve
en quelque sorte dominé par la fonction privilégiée
de ceci, qu'il n'y en a néanmoins pas une à représenter
le dire qui interdit, à savoir l'absolument non. 7.
Voilà. Alors, puisqu'il y a un examen maintenant, j'ai simplement
amorcé la chose aujourd'hui. Je vous demande pardon d'y avoir mis
si longtemps. Nous reprendrons la prochaine fois.
0. la version C.B. rectifie le lapsus
de J.Lacan : il s'agit de Boole, en effet.
1. variante (qui n'est pas sur
la bande son) indiquée sur version CB (p.158) : Une autre version
de la transcription de ce séminaire donne pour ce passage : "Voilà
: les deux autres (...) présentent la sorte d'orientation qui est
celle qui est définie ici...".
2. variante indiquée sur
version CB (p.158) : Autre version : " ... cet autre segment qui est
celui-ci, vient se raccorder..."
3. version C.B.
figure page 160.
4. version C.B. (le docteur
Lacan fait la démonstration sur un noeud qu'il tient en main)
5. version C.B. (N.S. Une
autre transcription du Séminaire dit "une forme de vase" ...)
6. petite coupure son à
95' . Version C.B. : [...] à la fonction phallique.
7. voix de la salle : il y a un
examen maintenant !