Les non dupes errent
(2)
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au groupe
Lutecium,
le texte proposé sur cette page est une transcription écrite
intégrale de la séance énoncée le 20 nov 73,
relue à l'aide de la bande son (nov. 2002).
Transcription de la version sonore originale
Errer au sens où je vous l'ai
précisé la dernière fois, ce qui veut dire : est-ce
que je colle assez à... au discours analytique, qui n'est quand
même pas sans comporter une certaine sorte d'horreur froide. Est-ce
que je colle assez pour ne pas... pour m'en distraire, c'est-à-dire
ne pas le suivre vraiment selon son fil ou même pour employer un
terme, ouais dont je me servirai plus tard, là où on m'attend,
sur les espaces vectoriels, je vous le dis tout de suite, enfin, j'aborderai
pas ça aujourd'hui, mais les espaces ça introduit une notion,
comme ça, un autre espace dans l'espace. On appelle ça "espace
fibré".
Bon... Enfin, ce discours analytique,
faut quand même pas oublier, pour m'excuser si je n'y colle pas tout
à fait, hein, c'est que je l'ai fondé.
Je l'ai fondé d'une élaboration
écrite, celle qui s'écrit là, le petit a et le S2
superposés à gauche, et puis le S barré et le S1 à
droite.
Quand il s'agit d'être dupe,
n'est-ce pas, il ne s'agit pas en l'occasion d'être dupe de mes idées,
parce que ces quatre petites lettres, ça n'est pas des idées.
C'est pas même des idées
du tout, la preuve c'est que... c'est que, c'est, c'est que c'est très
très très difficile d'y donner un sens, et c'est même
strictement fait pour que ce soit impossible d'y donner un sens.
Ce qui ne veut pas dire que qu'on
ne puisse pas en faire quelque chose.
C'est ce qui s'inscrit d'une certaine
élaboration de ce que j'appellerai, c'est la même chose de
dire que ça s'inscrit que de dire ce que je vais dire maintenant,
à savoir la mathématique de Freud.
Ce qui en est à proprement
parler transmissible.
Ce qui est repérable à
la logique de son discours. A son errance à lui. C'est-à-dire
à la façon dont il essayait de rendre ce discours analytique
adéquat au discours scientifique. C'était ça son "erre".
C'est ce qui l'a, je ne peux pas dire "empêché", enfin n'est-ce
pas, d'en faire la mathématique ; puisque la mathématique,
il la faisait comme ça ! Fallait un deuxième pas pour ensuite
pouvoir l'inscrire.
Alors, pendant que je vous parlais
la dernière fois, il m'est revenu, comme ça, des bouffées
de souvenirs, de quelque chose qui bien sûr ne m'arrivait pas ici
mais qui m'avait tracassé le matin en préparant ce que j'avais
à vous dire.
Voilà, ça s'appelle,
tout de suite, disons-le, ça s'appelle die Grenzen der Deutbarkeit.
C'est quelque chose qui a un rapport étroit, enfin, avec l'inscription
du discours analytique, c'est que si cette inscription est bien ce que
j'en dis, à savoir le début, le noyau clé de sa mathématique,
il y a toutes les chances à ce que ça serve à la même
chose que la mathématique. C'est-à-dire que ça porte
en soi sa propre limite. Je savais que j'avais lu ça, parce que
je l'avais dans un vieux machin que j'ai racheté comme ça,
d'occasion, dans les débris de ce qui surnageait des choses de Freud,
après l'histoire nazie, alors j'ai eu ce débris... et je
me disais que quand même ça avait dû être recueilli
quelque part, vu la date. C'est vrai. Ça a été recueilli
dans le tome III des Gesammelte Schrifte.
Mais pas ailleurs, à savoir
là où ça aurait dû paraître, étant
déjà édité en 1925, en fait, et même
déjà paru, enfin, une première fois si mon souvenir
est bon dans... Eh ben non ! c'est pas paru du tout avant . . . avant
"ça", que j'ai eu, donc.
Alors c'était donc, c'est sorti
dans les
Gesammelte Schriften mais ça n'a pas paru là
où ça devait paraître au moment où ça
sortait, c'est à savoir dans la huitième édition de
la Traumdeutung. Et c'est pas paru parce que, dans ces notes additionnelles
en question, il y a un troisième chapitre, le premier étant
constitué par ces Grenzen der Deutbarkeit, le second je vous
le passe, je vous en reparlerai, et le troisième signifie die
occulte Bedeutung des Traumes. C'est-à-dire "la signification
occulte". C'est pour ça que ce n'est pas paru.
Ce qui me restait dans l'esprit, ce
qui me tracassait, c'étaient
die Grenzen. Mais à cause
du fait que ces
Grenzen étaient associées à
la signification occulte, que ce n'est pas sorti. Jones raconte ça
quelque part : l'occulte, enfin, il y a une objection. Il y a une objection
de la part du discours scientifique. Et en effet, tel que ça se
présente maintenant, l'occulte, ça se définit très
précisément en ceci, enfin : ce que le discours scientifique
ne peut pas encaisser. C'est même, on peut le dire sa définition.
Alors, c'est pas étonnant qu'il y fasse objection. Cette objection
est venue, comme ça, par le véhicule de Jones, et ça
peut paraître une explication toute simple, du fait que ça
ne soit pas paru là où ça devait paraître, à
savoir dans la huitième édition.
Freud, vous le savez, c'était
pas du tout neuf, enfin, qu'il se tracassât sur l'occulte. Il le
faisait, comme ça, par... par "erre". Par erre concernant
le discours scientifique. Oui, parce qu'il s'imaginait que le discours
scientifique, ça devait tenir compte de tous les faits. C'était
une pure erre. Et une erre plus
De sorte qu'il tient compte de tous
les faits qui font trou dans son... disons, enfin je vais vite, là,
parce que c'est pas un mot qui vaut ... mais qui font "trou" parce que
c'est plus sensible tout de suite de le dire comme ça, qui font
"trou" dans son système ! Mais ce qui n'est pas de son système
du tout, il ne veut rien en savoir. Alors, en se tracassant, comme ça,
sur les phénomènes occultes, dits occultes, ça ne
veut pas dire du tout qu'ils sont occultes, qu'ils sont cachés,
parce que, ce qui est caché, c'est ce qui est caché par la
forme du discours lui-même, mais ce qui n'a absolument rien à
faire avec la forme du discours, c'est pas caché, c'est ailleurs.
Vous là, tels que vous êtes,
comme ça je fais appel à votre sentiment, enfin, il y a rien
de commun entre l'inconscient et l'occulte. En tout cas au niveau où
vous êtes là pour m'entendre, je pense que quand même
vous êtes déjà, enfin, assez rompus à cette
idée que l'inconscient, ça ... [c'est fondamentalement]
1.
du langage, hein.
Et si vous avez pu l'autre jour regarder
ce que j'avais commencé de faire comme ça vaguement au tableau,
avec la ligne dite du voyage, et puis que vous avez pu simplement
admettre ce que je vous serine depuis vingt ans, enfin, même plus,
à savoir ce qui clôt, ce qui termine la Traumdeutung
: ce que j'ai rappelé l'autre jour, à savoir ce fameux désir
indestructible qui se promène, qui, sur la ligne du voyage, dès
lors que l'entrée dans le champ du langage s'est produite, accompagne
d'un bout à l'autre et Ebenbíld, toujours le même,
sans variation, accompagne le sujet structurant son désir.
Comme dit Freud,
Ebenbild,
à
l'image, on traduit à l'image, mais c'est pas à
l'image, c'estEbenbild, c'est une image fixe, toujours la même
! à l'image der Vergangenheit, c'est-à-dire ce qui,
au regard de, de cet
Ebenbild ne peut même pas s'appeler du
passé : c'est toujours la même chose, il n'y a pas de passé
à partir du moment où il s'agit de cette fonction spatiale,
le croisement de la ligne avec ce réseau de la structure, qui se
déplace, elle, selon la ligne, mais en même temps dont on
peut dire qu'elle ne se déplace pas, puisque la ligne, elle ne varie
pas.
C'est par rapport à la vie
en tant que voyage qu'on peut dire qu'il y en a une partie qui est passée
et puis une autre qui reste, comme ça, à consommer, qu'on
appelle l'avenir. Ces inscriptions du désir indestructible suivent
la glissade. Mais en suivant la glissade, du même coup elle l'arrête,
elle la fige, n'est-ce pas, parce que tout mouvement est relatif, n'est-ce
pas. Et si la glissade là-dedans n'est que glissade, elle ne constitue
pas un repère, hein. Voilà.
Alors la structure symbolique, n'est-ce
pas, elle est à la fin de cette Traumdeutung peut-être
encore à découvrir, mais c'est là-dessus que Freud
conclut sa notion dans ce titre, dans cette conclusion qui vient là
comme la pointe même de tout ce que jamais dans la Traumdeutung
il a énoncé du rêve : sa notion est là. C'est
bien en ça que ce qui en rétroagit, c'est que, c'est ce qu'il
a expliqué à propos du rêve, n'est-ce pas, c'est que
: il y a de l'inconscient, et que l'inconscient c'est ça, qu'il
a pu dire à l'occasion que l'inconscient est irrationnel mais que
ça veut simplement dire que sa rationalité est à construire,
que même si le principe de contradiction, le oui et le non, n'y jouent
pas le rôle qu'on croit dans la logique classique n'est-ce pas, comme
la logique classique est dépassée depuis longtemps, à
ce moment-là, ben, il faut en construire une autre... Ouais...
Et moi, je soupçonne que si
die
Grenzen der Deutbarkeit, les limites de l'interprétation, c'est
ça que ça veut dire, ne sont pas sorties, sont pas sorties
dans l'édition suivante de l'Interprétation des rêves,
c'est pas simplement parce que c'était à l'ombre de l'occulte,
c'est parce que quand même, là, ça... ça en
remettait.
Ça dépassait un peu
le truc de l'affirmation que le désir est indestructible, ça
montrait dans cette structuration du désir lui-même quelque
chose qui justement aurait permis d'en mathématiser autrement la
nature. C'est pour ça que ça vaut la peine, quand même
que, que je vous en donne comme ça : il est évident que devant
une pareille assistance il n'est pas possible que je commente vingt-cinq
pages de Freud, il n'y en a pas plus, il y en a même moins, mais
je pourrai quand même aborder le premier paragraphe, ça vous
incitera à aller le trouver parce que quand même ça
a fini par être publié. L'étrange est que ça
n'ait été publié, comme me le fait remarquer ma chère
amie Nicole Sels, qui... qu'à la suite de la séance dernière
j'ai lancée sur ce truc, je lui ai dit : "Mais enfin où diable
c'est, cette histoire ? Cette histoire qui pourtant dans les Gesammelte
Schriften est indiquée tout de suite après cette pointe
sur laquelle j'ai terminé du désir indestructible et invariant,
car c'est de ça qu'il s'agit.
Dans les Gesammelte Schriften,
il y a tout de suite après, c'est même pas une note, après
le point, le dernier point, la dernière ligne, y a écrit
... Zusatz Kapitel, ce qui veut dire appendice à peu près,
comme on traduit ça, c.
Et c'est pour le volume suivant, le
volume 3, auquel bien naturellement on se reporte, mais il était
indiqué qu'il fallait, enfin que c'était normal de le coller
là, ce qu'on n'a pas fait sous le prétexte que je vous ai
dit tout à l'heure, dans la huitième édition, précisément.1bis
Alors, comme me le commente, ça
vaut la peine, n'est-ce pas, comme me le commente la chère Nicole,
qui en connaît un bout pour ce qui est de chercher l'édition
d'un texte, qui en connaît un bout et qui en fout un coup, enfin,
c'est inimaginable ce que je la fais cavaler, je veux dire que, elle cavale,
n'est-ce pas et qu'elle me rapporte le truc dans les deux heures : là
elle a mis beaucoup plus de temps, elle a mis au moins trois jours.
Oui, il ne figure ce chapitre supplémentaire,
parce que je lui avais dit : "Quand même ce serait curieux que je
le trouve pas dans les Gesammelte Werke. Et je le trouve
pas !"
Elle me répond qu'il n'est
dans cet ouvrage à aucune place logique, ni au tome qui correspond
de la Traumdeutung, ça bien sûr je m'en étais
aperçu, c'est même ce qui m'avait rendu enragé, ni
dans le tome XIV qui correspond à l'année 1925. Il a paru
in
extremis et, ajoute-t-elle, sournoisement dans le tome I, car ce tome
a été le dernier à paraître, en 1952.
Et là elle me rapporte bien
sûr l'opinion de Strachey, qui lui-même l'a traduit dans la
Standard
Édition, n'est-ce pas, mais au tome XIX, mais c'est-à-dire
à son année normale, oui, c'est vrai, mais il pense que ce
sort est dû aux mines que tout le monde a fait devant l'occulte Bedeutung
des rêves. C'est ce que pense Strachey. Je ne sais pas ce qu'en pense
Nicole Sels, mais c'est, au regard des, simplement les faits qu'elle m'apporte,
secondaire.
Alors, je ne vous lis pas tout de
suite la chose en allemand.
Ça se
dit comme ça : la question si on peut donner de tout produit
de la vie de rêve une complète et assurée traduction,
vollständige
und gesicherte Ubersetzung, déjà cet emploi de Ubersetzung,
c'est pas mal, c'est très lacanien, bon, in die Ausdrücksweise
des Wachslebens, dans le mode de s'exprimer de la vie de veille,
et il met là entre parenthèses (Deutung) c'est-à-dire
sens, Deutbarkeit ça veut dire interprétation mais
Deutung,
ça veut dire sens, Traumdeutung, ça veut dire sens
des rêves, ne peut pas être traitée abstraitement.
Mais sous la
Beziehung,
relation avec Verhältnisse, c'est un autre terme pour exprimer
relations, avec les relations, donc désignées par
un autre mot, c'est-à-dire posées autrement : Beziehung,
c'est quelque chose comme ça d'approximatif. Verhältnisse,
ça peut être pris dans le sens des relations qui s'écrivent,
je veux dire de ce qui est constitué à proprement parler
dans une articulation propre au sens du terme, n'est-ce pas, comme quelque
chose qui peut arriver à se poser là les relations, sous...
unter
denen, sous le coup desquelles on travaille à l'interprétation
des rêves, man an der Traumdeutung arbeitet.
Et c'est là
que... on entre un peu plus avant : Nos activités geistigen,
celles de l'esprit, c'est comme ça : unsere geistigen Tätigkeiten.
Pour Freud,
ça veut dire ce qu'on pense. Les activités de l'esprit, c'est
ce qui est généralement désigné comme les pensées.
Streben.
Streben, c'est un mot qui a tout autre résonance, n'est-ce pas,
que ce par quoi on le traduit en anglais, à savoir, dans cette occasion,
n'est-ce pas, c'est la traduction de Strachey justement, pursue.
Ça ne poursuit rien du tout. Ça poursuit rien du tout, streben,
quand on regarde bien ce que c'est, quand on voit l'étoffe du mot,
ce qui évidemment se fait avec ses usages précédents,
c'est quelque chose qui est à inscrire, quelque chose comme
Bon, enfin, qu'importe, sur le streben,
sur le streben, ce qu'ils tirent, ce qu'ils font tenir ensemble,
c'est ou bien
ein nützliches Ziel et
là vous retrouvez les fonctions essentiellement lacaniennes de l'utile
et du jouir, elles sont précisées comme telles, c'est là-dessus
qu'au départ j'ai fait entièrement pivoter tout ce que j'ai
dit de l'éthique de la psychanalyse, un but utile, c'est
ou ça, qu'elles
anstreben, qu'elles
attirent, ou bien : oder unmittelbaren Lustgewinn, à savoir,
à savoir tout simplement mon plus-de-jouir.2.
Car qu'est-ce que ça veut dire
un Lustgewinn ? Un gain de
Lust. Si là, l'ambiguïté
de ce terme
Lust en allemand, n'est-ce pas, ne permet pas d'introduire
dans le Lustprinzip, traduit "principe du plaisir", justement cette
formidable divergence qu'il y a entre la notion du plaisir telle qu'elle
est commentée par Freud lui-même selon la traduction antique,
seule issue de la sagesse épicurienne, ce qui voulait dire jouir
le moins possible, parce que qu'est-ce que ça nous emmerde, la jouissance
! C'est justement pour ça qu'ils se faisaient traiter de pourceaux,
parce qu'en effet, les pourceaux, mon Dieu, ça jouit pas tellement
qu'on s'imagine, n'est-ce pas, ça reste dans sa petite porcherie,
bien tranquilles, enfin, ça jouit au minimum...
Mais l'important, l'important pour
nous, s'il est vrai que ce sens sexuel, il ne se définit que de
ne pas pouvoir s'écrire, c'est de voir justement ce qui, dans le
chiffrage, non pas dans le déchiffrage, ce qui dans le chiffrage
nécessite
die Grenzen, le même mot, ici employé
dans le titre, le même mot sert à ce qui, dans la mathématique,
se désigne comme limite. Comme limite d'une fonction ou comme
limite d'un nombre réel. Ça peut augmenter tant que ça
veut, la variable, la fonction ne dépassera pas d'une certaine limite.
Et le langage, c'est fait comme ça.
C'est quelque chose qui, aussi loin que vous en poussiez le chiffrage,
n'arrivera jamais à lâcher ce qu'il en est du sens, parce
qu'il est là à la place du sens, parce qu'il est là
à cette place.
Et ce qui fait que le rapport sexuel
ne peut pas s'écrire, c'est justement ce trou-là, que bouche
tout le langage en tant que tel, l'accès, l'accès de l'être
parlant à quelque chose qui se présente bien, comme en certain
point touchant au Réel, là, dans ce point-là, dans
ce point-là se justifie que le Réel je le définisse
de l'impossible, parce que là, justement, il n'arrive pas, jamais,
c'est la nature du langage, il n'arrive pas, jamais à ce que le
rapport sexuel puisse s'inscrire. Ouais... Ouais...
Alors il reste nos histoires
de Freud avec son occulte.
L'histoire d'occulte, c'est
très curieux, n'est-ce pas. Je vous ai parlé de la huitième
édition, mais pas de la septième. La septième, c'est
impossible de mettre la main dessus, non pas à cause des nazis cette
fois, mais parce qu'elle est parue probablement en très peu d'exemplaires,
enfin c'est sorti en 1919, vous vous rendez compte !
La chose fabuleuse, c'est que
quand même, grâce à une autre amie, vous voyez, je n'ai
que des amies... rires ! Nany Bridgman, Nany Bridgman qui est à
la B.N. a mis la main sur la septième. Eh bien, ça m'a soulagé,
hein.
Parce que de la façon dont
Freud est traduit, il est vrai que ça a surtout commencé
avec Marie Bonaparte, bon... mais avant, il y avait eu Isaac Meyerson.
J'avais été, je lui en demande pardon, jusqu'à penser
que pour lui, c'était le même truc, à savoir qu'il
écrivait n'importe quoi, j'avais été jusque là,
et pourquoi ?
Parce que, je ne l'ai pas apporté
là, comme ça, c'est malheureux mais je l'ai oublié,
voilà la vérité, il y a une petite phrase, il y a
une petite phrase, il y a une petite phrase au moment où, où
Freud pose la question, c'est ça qui culmine dans ce dernier paragraphe
dont je vous ai parlé, au moment où Freud pose la question
de ce qu'il en est de cet... quel est l'ordre de réalité
de ce rêve, il est forcé d'appeler ça psychique, mais
en même temps ça le tracasse de l'appeler psychique, parce
qu'il sent bien que l'âme, enfin, ça colle pas à c'te
histoire, enfin que l'âme c'est quand même pas différent
du corps, bon.
Alors là, il évoque
la réalité matérielle, il n'a pas vu très bien
qu'à ce moment-là, que le matériel, il l'avait là,
c'était tout son bouquin, tout simplement à savoir la façon
dont il avait traité le rêve, en le traitant par la manipulation
du déchiffrage, c'est-à-dire après tout avec simplement
ce que le langage comporte de ditmansion, de chiffré.
Alors là, il s'engage dans
ce qu'il en est en fin de compte de cette réalité, et il
est saisi, il est saisi uniquement là, c'est la seule édition
où il y a une phrase comme ça, une phrase où tout
d'un coup, il répudie ce fait : un savant, un savant certes modeste,
il le qualifie comme ça, il y a quand même deux trucs que
de toute façon, enfin il met là une barrière, il ne
peut pas encaisser, c'est la subsistance de ce qui est mort.
Ça, ça vise l'immortalité
de l'âme.
Et deuxièmement, le fait que
tous les éléments de l'avenir soient calculables. Ce qui
est évidemment là rejoindre enfin n'est-ce pas le sol solide
d'Aristote, hein.
L'âme dans Aristote est définie
de telle sorte qu'elle n'implique nullement son immortalité et c'est
d'ailleurs grâce à ça qu'il peut y avoir un progrès
de la science, c'est à partir du moment où en effet on s'intéresse
au corps, et puis deuxièmement, deuxièmement ceci : c'est
le maintien du contingent comme essentiel. Et après tout pourquoi
le contingent, à savoir ce qui va se passer demain, nous ne pouvons
pas le prédire. En beaucoup de choses nous pouvons le prédire.
De quoi se sert Aristote dans sa définition du contingent ? De savoir
qu'est-ce qui va demain avoir la victoire, de savoir si dès aujourd'hui,
au nom de ceci que demain une chose s'appellera "victoire de Mantinée",
est-ce que nous pouvons écrire dès aujourd'hui "victoire
de Mantinée". C'est uniquement de ça qu'il s'agit dans l'argumentation
d'Aristote à propos du contingent.
C'est tout de même une belle
occasion de nous interroger sur ce pour quoi des événements
qui ne sont pas d'ailleurs n'importe lesquels, qui sont des événements,
disons humains, je ne vois pas pourquoi je répugnerais là
à l'énoncer ainsi...
Pourquoi est-ce que c'est ça
le contingent ? Parce qu'après tout, il y a quand même des
événements humains qui sont d'autant plus prévisibles
qu'ils sont constants. Par exemple j'étais sûr que vous seriez
aussi nombreux aujourd'hui que la dernière fois, pour des raisons
d'ailleurs aussi obscures, mais enfin c'était calculable. Pourquoi
est-ce qu'une victoire n'est pas calculable ?
Qui est-ce qui me répond ?...
(A Gloria Gonzalès, sa secrétaire)
: Donnez-moi un cigare.
Écoutez : une victoire n'est
pas calculable...
Quelqu'un dans la salle : - Parce
qu'il faut être deux... trois...
J.L - Il y a, ya d'l'idée,
y a de l'idée... Il y a de l'idée, c'est évident,
enfin, c'est vrai comme vous dites il faut être deux, et même
parfois un peu plus... Mais en allant dans ce sens-là, n'est-ce
pas, vous voyez bien que, malgré tout, vous glissez tout doucement
du côté, du côté où ce deux, où
ce deux foire, à savoir du côté du rapport sexuel.
C'est tout un truc, hein, d'être
deux. Oui. Quand je pense que je n'aurai pas le temps aujourd'hui de vous
raconter toutes les belles choses que j'avais préparées pour
vous sur l'amour, eh ben, ça me déçoit un peu mais
c'est parce que j'ai traîné et puis j'ai traîné
comme ça parce que... parce que j'ai voulu faire quand même
un chiffrage soigné, c'est-à-dire ne pas trop errer, hein,
alors pour le reste, enfin, vous pourrez peut-être un peu, un peu
attendre.
Mais pour me référer
à quelque chose que j'ai déjà avancé, je l'ai
dit de mille façons bien souvent, mais un jour je l'ai dit tout
à fait cru, comme ça en clair, j'ai dit que l'effet de l'interprétation
pour me limiter à ce à quoi, n'est-ce pas, je dois rester
collé, je dois rester dupe et plus encore dupe sans me forcer, parce
que si je suis dupe en me forçant, eh bien j'écrirai le Discours
sur les passions de l'amour justement, c'est-à-dire ce qu'a
écrit Pascal, et qu'est-ce qu'on voit qu'il se force, hein ? Après
ça, naturellement ça a lâché, ça a claqué,
il n'a jamais pu y revenir, mais enfin, il est assez probable, j'en suis
pas sûr, qu'il s'est forcé, quand il a écrit ça,
quand même. Ca donne des résultats absolument stupéfiants,
enfin n'est-ce pas. C'est absolument magnifique, enfin : en se forçant,
on arrive à dire... on arrive, on arrive vraiment à ne pas
errer. Lisez-ça, enfin ça colle, l'amour ça se passe
comme ça. Absolument déconcertant, mais ça se passe
comme ça. Bon.
Qu'est-ce que ça veut dire
que l'interprétation est incalculable dans ses effets ?
Ca veut dire que son seul sens, c'est
la jouissance.
C'est la jouissance d'ailleurs qui
fait tout à fait obstacle à ce que le rapport sexuel ne puisse
d'aucune façon s'inscrire, et qu'en somme ça permet d'étendre
à la jouissance cette formule que l'effet de l'interprétation
est incalculable. Et si vous réfléchissez bien, en effet,
à ce qui se passe à la rencontre de ces deux troupeaux qu'on
appelle armées, n'est-ce pas et qui d'ailleurs sont des discours,
des discours ambulants, enfin je veux dire que chacun ne tient que parce
qu'on croit que le capitaine, c'est S1. Bon...
Il est tout de même tout à
fait clair que si la victoire d'une armée sur une autre est strictement
imprévisible, c'est que du combattant, on ne peut pas calculer la
jouissance.
Que tout est là, enfin s'il
y en a qui jouissent de se faire tuer, ils ont l'avantage.
Voilà ! C'était un petit
aperçu concernant ce qu'il peut en être du contingent, c'est-à-dire
de ce qui ne se définit que de l'incalculable... Ouais.
Alors maintenant, quand même,
je ne vais tout de même pas vous quitter sans vous dire quelques
petits mots de ce qu'il en est tout à l'opposé de la ligne,
comme ça, où nous nous sommes, enfin exercés, ou bien
je me suis exercé devant vous, mais où quand même,
vous avez quand même... enfin il y a des chances, comme ça
un peu suivi, au moins suivi par votre silence, n'est-ce pas...
L'occulte, ça peut quand même
pas seulement se définir par le fait enfin que c'est rejeté
par la science. Parce que, comme je viens de vous dire, c'est fou tout
ce que ça rejette, la science, hein !
En principe tout ce que nous venons
de dire et qui existe pourtant, quand même, à savoir la guerre.
Ils sont là, tous, les savants,
à se creuser la tête : Warum Krieg ? Ah ! ah ! Pourquoi
la guerre ? Ils n'arrivent pas à comprendre ça,
les pauvres... ouais ... Ils se mettent à deux pour ça, hein,
Freud et Einstein. C'est pas en leur faveur...
Mais enfin l'occulte, l'occulte c'est
bel et bien sûrement ça : cette absence du rapport. Et je
vous en dirais bien même un petit peu plus, enfin, s'il fallait pas
tout de même que je précise bien comment ça se présentait
du temps de Freud. Parce que là c'est tout à fait clair.
Tout ce qu'il a écrit n'est-ce pas, Psychoanalyse und Telepathie,
Traum and Telepathie, dont ont fait Dieu sait quel mauvais usage les
gens qui ont isolé ça sous le nom de phénomène
psi,
c'est des escrocs, n'est-ce pas.
Il faut quand même bien voir
que Freud, alors lisez ses textes n'est-ce pas, ceux dont je viens de donner
le titre, parce que quand même, ceux-là, on les trouve, contrairement
aux
Grenzen der Deutbarkeit.
C'est tout à fait clair : il
dit que le rêve et la télépathie, par exemple, ça
n'a strictement rien à faire. C'est même au point qu'il va
jusqu'à dire : mais la télépathie, n'est-ce pas, c'est
quelque chose du même ordre, enfin, je l'admets, pourquoi pas, c'est
de l'ordre de la communication. Et dans le rêve, c'est traité
comme n'importe quelle autre, à savoir la première partie
de ce que je vous avais énoncé tout à l'heure, à
savoir etwass nützliches n'est-ce pas, quelque chose qui sert
aux manigances de la journée, et c'est repris de la même façon
dans le rêve.
Non seulement il préfère
admettre, mais très précisément il démontre
que dans tous les cas où il y a eu télépathie soi-disant
"rêvée", ce sont des cas où on peut admettre le fait
direct qu'il y a eu message, à savoir annonce par fil spécial
si je puis m'exprimer ainsi car c'est ça la télépathie,
n'est-ce pas, c'est le fil spécial !
On peut, il n'y a qu'à traiter
le cas, il n'y a qu'à l'envisager, y a qu'à opérer
avec lui, en pensant que, comme n'importe quel autre résidu du jour,
il y a eu avertissement télépathique.
Que ce soit télépathique
ou pas, autrement dit, il s'en fout, la seule chose qui l'intéresse
c'est que c'est repris dans le rêve, ceci, je ne peux pas vous faire
la lecture parce qu'il est trop tard n'est-ce pas, ceci est énoncé
dans Freud : il faut considérer pour concevoir quelque chose aux
rapports de la télépathie et du rêve que la télépathie
s'est produite comme un reste, résidu de la journée précédente.
Il préfère admettre
ça, quoique bien sûr, naturellement... il préfère
admettre le phénomène télépathique, c'est ça
le sens de sa position, que de le faire rentrer dans le rêve.
Et il souligne, il souligne, à
savoir il dit pourquoi, parce que le rêve c'est fait avec... et il
fait toute la liste, toute une série de chiffrages et que ces chiffrages
ne peuvent porter que sur un matériel qui est constitué par
les restes diurnes.
Il préfère mettre la
télépathie, la ranger dans les événements courants
à ceci : de la rattacher en rien aux mécanismes eux-mêmes
de l'inconscient.
C'est si facile à confirmer,
il suffit que vous vous rapportiez, bien sûr naturellement en français
tout ça n'a jamais été traduit mais quand même,
il y en a certains d'entre vous qui lisent l'anglais, même j'espère
beaucoup, et d'autre part un certain nombre qui lisent l'allemand, reportez-vous
aux textes de Freud sur l'inconscient et la télépathie. Il
n'y a jamais d'ambiguïté, il préfère tout, à
savoir en somme non seulement ce qu'il met en doute, mais ce sur quoi ce
dont il se lave les mains, ce dont il dit : je n'ai là-dessus aucune
compétence. Mais il préfère admettre que la télépathie
existe à simplement la rapprocher de ce qu'il en est de l'inconscient.
Autrement dit, tout ce qu'il émet, tout ce qu'il avance comme remarquable,
considérant certains rêves, tout ce qu'il avance comme remarquable
consiste toujours à dire : il n'y a rien eu d'autre que de rapport
au rêve en tant que chiffrage.
Ou encore que de rapport de l'inconscient
de l'occultiste ou du diseur de bonne fortune avec l'inconscient du sujet.
En d'autres termes, il dénie tout phénomène télépathique
auprès de ceci, il dénie au regard de ceci, qu'il n'y a eu
que repérage du désir.
Ce repérage du désir,
il le considère comme toujours possible, ce qui veut dire, ce qui
veut dire par rapport à mon inscription de l'autre jour de la vie
comme voyage et de la structure qui se déplace en même temps
que le voyage dessiné, dessiné linéairement.
La question peut se poser et comment
ne se poserait-elle pas si vraiment la structure est ponctuée par
le désir de l'Autre, en tant que tel, si déjà le sujet
naît inclus dans le langage, inclus dans le langage et déjà
déterminé dans son inconscient par le désir de l'Autre,
pourquoi n'y aurait-il pas entre tout ça une certaine solidarité
?
L'inconscient n'exclut pas, si l'inconscient
est cette structure, cette structure de langage, l'inconscient n'exclut
pas et ce n'est que trop évident, l'inconscient n'exclut pas la
reconnaissance du désir de l'Autre comme tel, en d'autres termes
le réseau, le réseau de structure dont le sujet est un déterminé
particulier, il est concevable qu'il communique avec les autres structures,
les structures des parents certainement, et pourquoi pas à l'occasion
avec ces structures qui sont celles d'un inconnu, pour peu, pour peu, souligne
Freud, que son attention soit, soit comme ça, un peu ailleurs.
Et le plus fort, ce qu'il souligne,
n'est-ce pas, c'est que ce détournement de l'attention, il est justement
obtenu par, par la façon dont le diseur de bonne fortune se tracasse
lui-même avec toutes sortes d'objets mythiques, ça détourne
assez son attention pour qu'il puisse enfin appréhender quelque
chose qui lui permette de faire la prédiction suivante à
une certaine jeune femme qui a enlevé sa bague de mariage pour lui
faire croire que... enfin pour rester anonyme, il lui dit qu'elle va se
marier et qu'elle aura deux enfants à trente-deux ans.
[...] cette pointe sur laquelle j'ai terminé du
désir indestructible et invariant, car c'est de ça qu'il
s'agit.
Dans les Gesammelte
Schriften, il y a tout de suite après, c'est même pas
une note, après le point, le dernier point, la dernière ligne,
y a écrit ... Zusatz Kapitel, ce qui veut dire appendice
à peu près, comme on traduit ça, c.
Et c'est pour
le volume suivant, le volume 3, auquel bien naturellement on se reporte,
mais il était indiqué qu'il fallait, enfin que c'était
normal de le coller là, ce qu'on n'a pas fait sous le prétexte
que je vous ai dit tout à l'heure, dans la huitième édition,
précisément.
Alors, comme me le commente, ça
vaut la peine, [...]
2. GesammelteWerke, Tome 1, paru en dernier, en 1952
Die Frage, ob man von jedem Produkt des Traumlebens eine vollständige und gesicherte Ubersetzung in die Ausdrucksweise des Wachlebens (Deutung) geben kann, soll nicht abstrakt behandelt werden, sondern unter Beziehung auf die Verhältnisse, unter denen man an der Traumdeutung arbeitet.3. Gesammelte Werke, Tome 1, paru en dernier, en 1952
Unsere geistigen Tätigkeit streben entweder ein nützliches Ziel an oder unmittelbaren Lustgewinn.
Im ersteren Falle sind es intellektuelle Entscheidungen, Vorbereitungen zu Handlungen oder Mitteilungen an andere ; im anderen Falle nennen wir sie Spielen and Phantasieren. Bekanntlich ist auch das Nützliche nur ein Umweg zur lustvollen Befriedigung. Das Träumen ist nun eine Tätigkeit der Zweiten Art, die ja entwicklungsgeschichtlich die ürsprünglichere ist. Es ist irreführend, zu sagen das Träumen bemühe sich um die bevorstehenden Aufgaben des Lesbens oder suche Probleme der Tagesarbeit zu Ende zu führen. Darum kümmert sich das vorbewusste Denken. Dem Träumen liegt solche nützliche Absicht eben so ferne die der Vorbereitung einer Mitteilung an einen anderen. Wenn sich der Traum mit [...].