Les non dupes errent
(4)
Jacques Lacan
1973-74
En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, le texte proposé sur cette page est une transcription écrite intégrale de la séance énoncée le 18 décembre 1973, relue à l'aide de la bande son,
(nov. 2002).
Transcription de la version sonore originale
Voilà. Il est certain
que... il est certain qu’en me faisant vainement élever la voix,
là en voulant me... me taquiner, me chatouiller avant que je commence
mon truc d'aujourd'hui, on n'améliorera pas la chose, enfin, on
ne l'aura pas améliorée, du moins je suppose. Voilà,
parce que tout de même, la dernière fois, j'ai... j’ai fait
un effort, et qu'aujourd'hui j'aurais voulu seulement, enfin, étendre
de ces marges, si je puis dire, enfin dire des choses
mezzo voce
comme on dit.
Peut-être pour essayer de vous
en éclaircir pour vous, enfin, je dis pour vous-mêmes, la
résonance. Cette résonance, après tout, je la présume,
puisque ce que j'ai dit c'était fait pour l'obtenir. J'en ai eu
des échos, mais je ne vois pas pourquoi aussi bien je dirais pas
ce que j'ai voulu obtenir.
Mon dit a été celui de ce nœud que j'ai pas introduit d'hier et dont la portée méritait qu'on y insiste, ça veut dire ne pouvait pas apparaître tout de suite. C'est pas tellement ce nœud qui est important, c'est son dire.
Son dire qu'en somme, la dernière fois, j'ai tenté de, de supporter comme ça, suffisamment. Ce qu'il a de bien n'est-ce pas, ce nœud, c'est que, il met justement tout à fait en évidence que ce dire, en tant qu'il est le mien, y est impliqué. Ça veut dire que, de ce côté par où... remarquez j'ai pas dit la parole, j'ai dit le dire, toute parole n'est pas un dire, sans quoi, sans quoi toute parole serait un événement ce qui n'est pas le cas, sans ça on ne parlerait pas de vaines paroles.
Un dire est de l'ordre de l'événement.
C'est pas un événement survolant, c'est pas un moment du
connaître. Pour tout dire, c'est pas de la philosophie. C'est quelque
chose qui est dans le coup. Dans le coup de ce qui nous détermine
en tant que c'est pas tout à fait ce qu'on croit. C'est pas toute
sorte de condition, comme ça, "locale", de ceci, de cela, de ce
après quoi on baille, du Réel, c'est pas ça qui nous,
êtres parlants, nous détermine. Et ceci tient très
précisément à ce pédicule de savoir, court,
certes, mais toujours parfaitement noué, qui s'appelle notre inconscient,
en tant que pour chacun de nous ce nœud a des supports bien particuliers.
C'est ainsi que cahin-caha, comme
je l'ai pu, j'ai construit cette topologie par où j'ose cliver autrement
ce que Freud supportait de ces
Car enfin ma topologie n'est pas la
même, quelqu'un, quelqu'un qui... comme ça parmi les gens
qui viennent avec moi causer, comme ça, a mis mon nœud, là,
borroméen, comme ça, au même stade, si je puis dire,
n'est-ce pas, que le fameux oeuf foutu de quelque chose qui... vous savez
que c'est Freud, enfin, qui a fait ça ! ... évidemment, on
pourrait faire la métaphore de la réserve nutritive avec
ce qu'il est censé... ce qu'elle est censée nourrir, avec
la jouissance d'une part et ce que vous voudrez de l'autre, la... l'embryologie
de l'âme. Bon.
Je voudrais faire une remarque concernant ce qu'on appelle "l'amour". Parce que c'est ça, c'est ça, ce que j'ai appelé tout à l'heure la résonance, la résonance chez vous, que vous le sachiez ou pas, de ce que la dernière fois j'ai supporté de mon nœud borroméen, de mon dire.
L'amour, dans tout ce que, ce qu'on
s'est permis de bavocher dessus jusqu'à présent, c'est tout
de même quelque chose qui se heurte à l'objection qu'on ne
conçoit pas comment l'être, si bien entendu vous avez de ça
déjà entendu parler, enfin, on vous en rebat les oreilles
dans la métaphysique et... et même ailleurs, enfin dans les
sermons, enfin, on ne parle que de ça ! Comment l'être serait
à manipuler à partir d'aucun étant. Ceci présente
une grande difficulté logique. Puisque l'être quand
on vous en parle, ce n'est pas rien, et ça débouche dans
cette aspiration qui serait faite à partir de Dieu, de l'amour.
Je sais bien que vous n'êtes pas croyants, n'est-ce pas ? Mais vous
êtes encore plus cons, comme j'ai déjà eu l'occasion
de vous le dire la dernière fois, parce que, même si vous
n'êtes pas croyants, à cette aspiration, je vous le montrerai
tout au cours de ce que je vais vous dire aujourd'hui, à cette aspiration,
vous y croyez. Je ne dirai pas que vous la supposez : elle vous suppose.
On essaie de, en somme, de vider tout
ça, ou de le remplir, qu'importe, en le schématisant dans
la vieille métaphore du connaître. On connaît avec qui
on a affaire... celui avec qui on a affaire, on le connaît dans l'amour...
Seulement, j'objecte : qu'est-ce que
c'est que l'être, sinon l'affaire aseptisée des perfections
imaginaires dont on rêve, dont vous-mêmes, je viens de vous
le dire, quoi que vous en sachiez, vous rêvez, vous en rêvez
l'échelle.
L'échelle dont le dernier échelon
sera ou non ce Dieu dont j'ai parlé tout à l'heure, mais
si c'est pas celui-là, c'est un autre. C'est ce qu'on appelle rêve
éveillé.
Seulement ce que démontre,
justement l'étude du rêve, du vrai, de celui qu'on fait quand
on dort et qui vous sonne les cloches, ça n'a quoi qu'on en dise,
absolument rien à faire avec votre rêve, éveillé
ou pas.
C'est même ce qui vous distingue
comme êtres parlants qu'il y a un savoir que vous entendez dans le
rêve, qui n'a rien à faire avec ce qui vous en reste quand
vous êtes prétendument vigiles. C'est bien pour ça
qu'il est si important, ce rêve, ce rêve que vous ne faites
que dans un certain temps de le déchiffrer. Jusque-là, vous
en êtes, vous en êtes, ça a duré un temps, mais
vous n'en êtes pas toujours si loin, croyez-le bien, le temps de
la signatura rerum, de la lecture du rêve éveillé,
de la lisibilité du monde. Croyez pas du tout que, parce que c'est
plus les curés qui vous la dictent, que vous n'en soyez pas au même
point.
L’amour, s’il est bien là
la métaphore de quelque chose, il s’agit de savoir à quoi
il se réfère. Il faut partir de ce que j'ai dit tout à
l’heure de l’événement. Il se réfère, rien
de plus, en tout cas c'est à ça que je me limiterai aujourd'hui,
simplement ... pour décaler, enfin, n'est-ce pas, ce que je viens
de tracer de la tradition, de la métaphore du connaître, disons
qu'il se réfère d'abord à l'événement.
A ces choses qui arrivent, disons quand un homme rencontre une femme. Et
pourquoi pas ? Puisque c'est en général le poisson qu'on
tente de noyer ; quand je dis quand un homme rencontre une femme, hein,
c'est parce que je suis modeste, je veux dire par là que je ne prétends
pas aller jusqu'à parler de ce qui arrive quand une femme rencontre
un homme... parce que mon expérience est limitée, hein.
Je voudrais vous suggérer
ceci, enfin, puisque nous sommes partis de deux points extrêmes,
je vous propose, à propos du commandement de l'amour divin, que
je vous ai évoqué la dernière fois en vous interpellant
pour vous dire oui ou non, hein, ça fait deux ou trois ? Vous vous
en souvenez peut-être, enfin ceux qui étaient là, alors,
je le modifie légèrement : quel effet ça vous fait
si je l'énonce tu aimeras ta prochaine comme toi-même
?
Ça fait tout de même
sentir quelque chose, hein, c'est que ce précepte fonde l'abolition
de la différence des sexes. Quand je vous dis qu'il n'y a pas de
rapport sexuel, j'ai pas dit que les sexes se confondent ! Bien loin de
là ! sans ça quand même ... comment même pourrais-je
dire qu'il n'y a pas de rapport sexuel, qu'est-ce que ça voudrait
dire ?
C'est important à situer, vous
ne l'avez sûrement pas encore fait, comme ça, pour le situer
d'une façon exacte, je fais une petite remarque puisque, aujourd’hui,
je me commente, il n'y a pas de rapport sexuel, eh bien c'est du même
ordre, hein, que ce que j'ai conclu de ma deuxième conférence,
celle qui n'a pas été tellement comprise : j'ai beaucoup
parlé de l'occulte, et croyez bien, je me mets à la même
place, hein, j'ai beaucoup parlé de l'occulte mais le point important,
il y en a eu un ou deux à le remarquer, c'est que j'ai dit qu'il
n'y a pas d'initiation. C'est la même chose que de dire qu'il n'y
a pas de rapport sexuel.
Ce qui ne veut pas dire que l'initiation,
ça soit le rapport sexuel, parce qu'il ne suffit pas que deux choses
n'existent pas pour qu'elles soient les mêmes !
Ouais... Il est clair que, que l'amour,
en somme, c'est là le problème dont retentit ce que j'ai
dit la dernière fois, c'est tout de même un fait, qu'on appelle
comme ça le rapport complexe, ça, c'est le moins qu'on puisse
dire, d'un homme et d'une femme.
Alors là, peut-être que
je peux raccrocher ceci, enfin, qui est au coeur de mon titre, enfin, sur
lequel j'avais avancé un premier linéament dans mon premier
séminaire, hein. Est-ce que le rapport, dit complexe à juste
titre, d'un homme et d'une femme, on va le mettre au compte simplement
d'avoir fait ensemble ce que j'ai appelé, je le remarque, non pas
erreur,
mais errance,
viator, ai-je articulé, le voyage sur
cette terre, la catégorie, la catégorie comiquement qui justement
nous exclut du monde, est-ce que l'amour c'est ça : d'avoir fait
un bout du chemin ensemble ?
Vous voyez où ça va,
hein ?
On se sera entraidés. Ouais,
il y aurait toujours, à l'horizon, enfin, cette promesse.
Et puis... et puis c'est vrai qu'il
y a du vrai là-dedans, hein ? Quand on est un bonhomme et une bonne
femme, comme ils disaient autrefois, les existentialistes, je parle de
la "bonne femme", il ne leur venait pas à l'idée de parler
du "bonhomme", Dieu sait pourquoi, il est pourtant le meilleur. Un bonhomme
et une bonne femme qui auraient fait un bout de chemin ensemble. Il y aurait
à l'horizon de l'amour le grand-père et la grand-mère.
Il y a ça dans l'inconscient. Il y a ça aussi.
Je voudrais quand même suggérer
que c'est peut-être pas tout.
La question que je pose : par quelle
voie aime-t-on une femme ? Ouais, si je pose la question, ça c'est
un bateau lacanien, c'est sans doute que j'ai la réponse. Mais il
y en a beaucoup. Il n'y a même pas une question qui ait plus de réponses.
Naturellement, vous n'en savez aucune, parce que vous vous laissez mener
par le truc, par le tourbillon. Si on a d'abord les réponses, la
première chose à faire, c'est de les compter, hein.
Et il y en a une qui est, que je trouve
très bonne. Comment un homme aime-t-il une femme ? Par hasard.
Ouais, celle-là, je vous l'ai
déjà donnée, hein, c'est l'heur dont je parle comme
ça depuis, depuis pas tellement de temps, quand je dis que le bonheur,
que ça ruisselle, qu'il y en a partout, que vous ne connaissez que
ça, même !
Il s'agirait seulement de, d'en avoir
un petit peu plus le sentiment, que vous êtes livrés à
ce bonheur. Puisqu'enfin, Il faut bien le dire, pour prendre ma référence
de tout à l'heure les circonstances ne sont pas toujours à
l'entraide, quand il arrive que se produise entre un homme et une femme
l'amour, et puis puisque j'ai entendu tout à l'heure une petite
voix, là-bas, qui poussait sa chansonnette, là, je voudrais
tout de même faire remarquer en marge que le compagnon de route,
hein, ça devrait éveiller plus d'échos que vous ne
croyez dans votre, dans vos chères petites âmes, hein, ça
fait partie d'un certain vocabulaire, le vocabulaire du coin où
on parle de l'imagination au pouvoir. Je dois vous le dire, le gauchisme,
ça me parait tout ce qu'il y a de plus traditionnel. Et la métaphore,
n'est-ce pas, du compagnon de route, ça ne me parait pas suffire,
si ce n'est dans le registre précisément chrétien
du viator.
Pour l'imagination au pouvoir, c'est
pas moi qui le leur fais dire ! Pas plus d'ailleurs que je ne fais dire
quoi que ce soit à personne. C'est ma fonction plutôt d'écouter.
Naturellement, enfin, ici je relance, mais c'est plutôt parce que
ce que j'écoute me sort par les oreilles.
Bon. Qu'est-ce que je fais maintenant,
hein ? Je vous donne un flash, comme ça, d'une autre réponse.
D'une autre réponse qui est
celle qui motive ma question.
Il est évident que... que je
veux, comme ça, enfin, y regarder à deux fois. Parce que
si le dire est un événement, Dieu sait ce que ça peut
avoir comme conséquences... Bon, je vais quand même
vous la donner.
L'amour, ce n'est rien de plus qu'un
dire, en tant qu'événement. Un dire sans bavures. Et qu'il
n'a, l'amour, rien à faire avec la vérité, c'est beaucoup
dire, puisque tout de même ce qu'il démontre, c'est qu'elle
ne peut pas se dire toute. Ce dire, ce dire de l'amour s'adresse au savoir
en tant qu'il est là, dans ce qu'il faut bien appeler l'inconscient.
Disons dans ce... ce nœud d'être. Si vous voulez, mais dans un tout
autre sens, que ce qui d'abord partait de la confusion, ce nœud, j'ai dit
c'est le mot nœud qui est important, c'est pas l'être, l'être
de ce nœud, que j'ai dessiné la dernière fois et que ne motive
que l'inconscient.
Ca implique donc, tout y compris,
justement ce dire de la dernière fois tant que s'y rend compte de
la place de ce savoir. Ce qui constitue ce dire n'est pas la connaissance,
il ne l'est d'aucune façon, ce nœud, il n'est une connaissance de
quoi que ce soit. Il implique mon dire comme événement dans
ce qu'il est, avec ses trois faces que c'est imaginable puisque j'en ai
fait image effective, que c'est symbolique puisque je peux le définir
comme nœud, et que c'est tout à fait réel de l'événement
même de ce dire, lequel événement consiste à
ce que, quoi qu'il en soit, chacun de vous peut lui donner du sens qu'il
a.
Et c'est en quoi, comme toujours, je
vous supplie de ne pas le comprendre trop vite.
Parce qu'évidemment, il faut
que je pare, comme on dit, à toute sorte de précipitations.
C'est ce qui fait, à l'occasion,
ma lenteur. Je suis ici le Maître Jacques de ce que... il faille
parer à toutes les interprétations précipitées,
c'est rien qu'en ça que constitue ce qu'il peut dans ce dire y avoir
d'exploit. C'est pour ça qu'il faut que je tranche, et ça
veut dire que j'abrège.
La portée de ce nœud borroméen,
c'est que c'est de chacun des trois ronds de ficelle que sa rupture d'ensemble
s'ensuit. Alors que dans une chaîne simple, faut-il que je vous la
mette au tableau ? Dessinez, Gloria, je vous en prie, une chaîne,
une chaîne avec trois ronds simplement, et faites-le correctement,
hein ! (rires)
Bon ! Hein ! comme ça ! Oui,
mais alors là il faut que vous vous arrêtiez, comme ça,
après ça, hein, et là aussi, faut que vous vous arrêtiez
pour la ...
Une chaîne simple de trois,
hein, ce n'est que du rond du milieu que vous pouvez rompre les extrêmes.
C'est-à-dire ce qu'il peut y
avoir de plus efficace, et aussi loin qu'on aille, de notre présence
réelle. Cette présence réelle, disons, rien de plus,
enfin, qu'après tout, il n'y a pas besoin du hasch pour vous la
révéler, par sa transformation en une substance légère.
Nous y sommes assez dans cette affaire pour qu'on puisse dire que l'important
de ce qui là fait nœud, c'est que c'est ce rond de ficelle, c'est
ce qui fait consistance dans chacun de ces termes que je distingue de trois
catégories, ce qui fait consistance est strictement équivalent.
Puisque... donnez-moi ces petits ustensiles, je vais vous faire un cadeau
là pendant que j'y suis, hein, aah ! 1.
...
Si je dis que, comme je vous l'ai
montré la dernière fois, non sans comme me l'a fait remarquer
quelqu'un qui a bien voulu m'écrire une petite note sur ces sujets
qui démontrait que la personne n'y avait pas compris grand-chose,
mais qui quand même m'a fait remarquer incidemment que ce n'était
pas sans maladresse que je vous avais manipulé ces ustensiles, n'est-ce
pas, si c'est vrai, ce que je dis, à savoir que le nœud borroméen
a cette curieuse propriété, hein, que... qu'on peut dans
cette construction mettre chacun à la même place strictement
que n'importe lequel des deux autres, quoi que ça ne saute pas aux
yeux tout de suite d'abord, bien.
Si chacun peut, dans cette fonction,
être qualifié pour sa consistance de strictement équivalent
qu'il soit considéré comme Réel, comme Imaginaire
ou comme Symbolique, alors avec ce rond, qui consiste justement en un nœud
borroméen, je peux faire un nœud borroméen, en simplement,
si j'avais le temps, enchaîner ces trois noeuds borroméens.
Je voudrais quand même que vous les regardiez un petit peu de près,
comme ça, que vous en foutiez quelque chose. Ouais.
Ce qui est important... à savoir
qu'ils soient distincts, ça n'a justement d'importance qu'ils soient
distincts qu'en tant qu'il faut qu'ils fassent trois. Ils consistent d'abord
et avant tout dans leur différence.
Comme ça, si une mouche me piquait, enfin, je vous écrirais comme ça... quelque chose au tableau auquel je n'ai pas tellement envie, vu mon humeur d'aujourd'hui, de donner un statut spécial, à savoir de vous mettre ça dans des... dans une signifiance qui soit plus que... ébauchée. Voilà.
2
Je ne m'en vais pas mettre autour quelque
chose quelque chose qui l'isole, comme ça, qui l'aseptise par précaution,
je le mets tout cru, 2, chiffre de l'amour, hein, ils sont hors
deux !
Je vous ai dit, c'est lalangue,
enfin qui exprime la mathématique, hein !
2 égale 1 ou 3 :
Ce qui est une formule sur laquelle
vous... enfin que vous essaierez de situer, comme ça, dans ce qui
est donné dans les prémisses de la logique propositionnelle.
Vous en ferez ce que vous voudrez,
hein, je laisse ça à vos soins.
Je laisse ça à vos soins
parce qu'il faut que j'avance, que j'avance dans les propriétés,
les propriétés du triple, du triple auquel nous avons affaire.
Oui.
Dans ces propriétés
du triple, il y a ceci : que puisque chacun des termes de ces trois du
nœud borroméen libère les deux autres, je sais bien que,
il y a un rapport, un rapport réel, en tout cas symbolisable, avec
ce moyen, ce moyen qui, lui, laisse bien vidés de toute puissance
les deux extrêmes. Mais dans le cas du nœud borroméen, les
deux extrêmes ont la même. Alors, nous pouvons les considérer
sous l'angle, sous l'angle d'en faire de chacun moyen. 2.
- Une voix (femme) de la salle : Qu'est-ce
que ça veut dire, le v, Monsieur, c'est un v ou un multiplié
?
- Qu'est-ce qu'il dit ? C'est un vel,
c'est un "ou", "ou", l’un ou l'autre ! C'est usité
en logique, en logique, comme ça, écrite, on met un petit
"v" pour dire
ou, ça se lit : 2 = 1 ou 3, ceci implique,
ceci implique l'égalité de 2 ou 1 avec 2 ou 3.
Pour vous en montrer l'intérêt, à savoir l'intérêt de ceci : de prendre dans le nœud borroméen que je vais quand même vous dessiner... puisqu'il y a des gens qui ont l'air de prendre intérêt à ce que je dis, bon, que je vais vous dessiner comme ça, je ne sais pas si vous vous en souvenez, c'est ça, et voilà.
L'intérêt de les prendre chacun comme moyen
puisqu'aujourd'hui c'est de sens que je parle, c'est de vous les pousser
en avant, comme ça, interprétés. Voilà.
Je suis assez tranquille, assez tranquille
sur ceci que je prends garde à ce que vous ne donniez pas trop de
sens et trop vite à ce que je dis, il y a aussi un bon moyen, enfin,
pour obtenir le même résultat, c'est... c’est de vous en donner
assez pour que vous le vomissiez, hein. C'est-à-dire que je ne vais
pas y procéder avec le dos de la cuillère. Je vais vous dire
des choses à vomir, et puis après tout, hein, vous aurez
le temps de les ravaler, comme le chien de l'écriture. C'est même
là quelque chose pour quoi il n'y a pas à reculer. Si je
veux donner à ça exactement sa portée, enfin, il faut
bien y aller.
Prenons ceci pour le Symbolique, celui-là
pour le Réel, celui-là pour l'imaginaire.
Si nous prenons ce symbolique, (effacez-moi
le tableau, s'il vous plaît, la chose) pour jouant le rôle
de moyen (merci, vous êtes trop gentil !) pour jouant le rôle
de moyen entre le Réel et l'Imaginaire... nous y voilà au
coeur de ce que c'est que c't amour dont je parlais tout à l'heure
sous le nom de l'amour divin.
Il y suffit pour cela que ce Symbolique
pris en tant qu'amour, qu'amour divin, ça lui va bien, il est sous
la forme de ce commandement qui met au pinacle l’être et l'amour.
Pour qu'il conjoigne quelque chose
en tant qu'être et en tant qu'amour, ces deux choses ne peuvent se
dire qu'à supporter le Réel d'une part, l'Imaginaire de l'autre,
respectivement en commençant par le dernier, du corps, et l'autre
le Réel, de la mort. C'est bien là que se situe le nerf de
la religion en tant qu’elle prêche l'amour divin. C'est bien là
aussi que se réalise cette chose folle, de ce vidage de ce qu'il
en est de l'amour sexuel dans le voyage. Cette perversion de l'Autre comme
tel instaure dans l'histoire sadique de la faute originelle, et dans tout
ce qui s'ensuit, d'avoir adopté bien sûr ce mythe pré-chrétien,
pourquoi pas ! il est peut-être aussi bon qu'un autre, instaure dans
l'Imaginaire, dans le corps, justement, cette sorte de lévitation,
d'insensibilisation de ce qui le concerne, qui est après tout, je
n'ai pas besoin d'y insister plus, toute l'histoire de ce qu’on a appelé
l’arianisme, voir le marcionisme.
Voilà d'où s'impérative la dimension du tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Soyez-en dupe, vous n’errerez pas,
je dois le dire.
Parce qu'on ne peut pas dire que pareille
religion ce soit rien. Puisque je vous l'ai dit la dernière fois,
c'est la vraie, c'est la vraie puisqu'elle a inventé cette chose,
cette chose sublime, la trinité. Elle a vu qu'il en fallait trois.
Qu'il fallait trois ronds de ficelle de consistance strictement égale
pour que
rien fonctionne. C'est quand même bien curieux que,
à toutes les fins, ça produise ça quant à l'amour.
Mais lisez Vie et règne de l'amour dans Kierkegaard,
ça vient de paraître chez Aubier, vous êtes nombreux,
vous allez tous vous ruer chez Aubier en sortant hein parce que d'habitude,
quand je dis qu'il faut lire un livre, ça a des effets ! Moi j'en
ai un, déjà, alors... vous pouvez épuiser l'édition,
mais lisez ça ! Lisez ça parce qu'il n'y a pas de logique
plus implacable, on n'a jamais rien articulé de mieux sur l'amour,
l'amour divin s'entend.
Il n'y a pas la moindre errance, tout
est tracé logiquement. L'amour est charité, femme - curieux
lapsus - est charité, foi et espérance et grâce à
ça la charité est, est... vous le voyez dans l'art, enfin
assez lamentablement symbolisée par cette femme aux seins innombrables,
n'est-ce pas, à laquelle sont pendus d'innombrables moutards.
Mais c'est quand même quelque
chose, de faire ça, justement c'est là l'origine de mon lapsus,
de faire ça de l'image de la femme. La finalité, la finalité
en tant qu'il y a deux extrêmes et un moyen, je vous le fais remarquer,
toute la spécification de fin, et d'ailleurs de fins qui sont toujours
articulables de réci-... je n'ose pas dire le mot réciprocité,
il n'est pas juste en l'occasion, mais je veux dire que, aussi bien ce
qui est le départ devient la fin que la fin fait fonction de départ.
Le rapport du corps et de la mort
est articulé par l'amour divin d'une façon telle qu'il fait
d'une part que le corps devient mort, que la mort devient corps d'autre
part, et que c'est par le moyen de l'amour.
Mais c'est tout à fait général
que l'idée même de finalité soit quelque chose qui
soit attaché à l'intermédiaire du désir. L'amour
de Dieu est la supposition qu'il désire ce qui s'accomplit à
toutes fins, si je puis dire. C'est la définition de la téléologie
en elle-même.
C'est une transformation du terme
"désir" en terme "fin". Mais dans cette articulation, ce qui fait
la fin, c'est le moyen dans l'articulation du nœud borroméen, il
y a confusion du moyen et de la fin. Toute fin peut servir de moyen.
Faisons ici, justement cette simple
parenthèse, cette simple parenthèse que, en prenant cette
place, en prenant cette place l'amour divin a chassé ce que je viens
de définir comme le désir. Avec ce gain d'une vérité,
la vérité du trois, qui, si je puis dire, paye la chose et
la compense ce qui est à proprement parler situable à cette
place, à la place du Symbolique en tant qu'il ne devient que moyen,
c'est le désir.
Je vous le note en passant, l'amour chrétien n'a pas éteint, bien loin de là, le désir. Ce rapport du corps à la mort, il l'a si je puis dire, baptisé amour. Mais je n'insiste pas plus pour l'instant, je prends un autre joint. Très exactement ce qui peut résulter de prendre, cette fois non plus le Symbolique, mais l'Imaginaire comme moyen. Si comme tout à l'heure, et c'est en cela que s'épingle ce que je vous ai articulé comme à vomir, je donne toujours ce sens sommaire de la mort au Réel, comme constituant son noyau, et au Symbolique, car jusqu'ici je n'ai pas eu à l'avancer, au Symbolique ce qu'il nous révèle par son usage dans la parole, et spécialement dans la parole de l'amour, de supporter ce qu'en effet toute l'analyse nous fait sentir - de supporter la jouissance.
Alors, qu'est-ce que nous démontre le rond de ficelle de l'Imaginaire pris comme moyen ? C'est que ce qu'il supporte, ce n'est rien de moins que ce qu'il faut bien appeler l'amour. L'amour, si je puis dire, à sa place, celle qu'il a eue depuis toujours. Et si, un temps dans mon Éthique, j'ai fait état de l'amour courtois, de l'amour courtois dans ce qu’il imagine de la jouissance et de la mort, c'est là quelque chose dont il est, j'allais dire miraculeux, très surprenant et bien fait pour nous retenir, que la féodalité l'ait produit, cet ordre de l'amour courtois. Non pas que je croie que ce qui s'y témoigne c'est quelque chose d'une rectification, d'une contre théorie de l'amour divin, d'une compensation, mais bien plutôt d'un ordre antique par où se témoigne justement combien restait plus qu'on ne croit de cet ordre antique dans la féodalité.
Car l'ordre antique n'a rien à faire avec celui que nous connaissons. Il est, je ne vois pas d'ailleurs pourquoi quelque économiste me contredirait puisqu'au-delà de l'âge féodal, il ne veut plus rien connaître, il est ce qui se conservait dans l'aire féodale. Et pour tout dire, je vous prie de le vérifier, je ne vois aucune distinction quant à l'accent, quant au sens de l'amour, entre ce qui nous en reste, les théories fort élégantes de l'amour courtois et tout le roman qui se déploie autour, je ne vois aucune différence entre cela et ce dont nous témoigne la littérature de Catulle et l'hommage à Lesbie, toute prostituée qu'elle fût.
Je pense qu'ici c'est-à-dire
l'Imaginaire pris comme moyen, c'est là le fondement de la vraie
place de l'amour.
Comment a pu se produire ce déplacement,
après tout fécond, qui dans l'amour chrétien situe
l'amour à la place, vous verrez à la fin pourquoi, à
la place qui me semble être celle du désir ?
La chose n'a été possible
et c'est en cela que je parle de quelque chose à quoi j'ai un peu
pensé, c'est de ce que le Christ enseigne. Je parle pas de sa passion,
qui est la passion du signifiant, je parle de son dire.
(très fort :) Je parle de son
dire ! Imitez le lys des champs qu'il profère.
Il ne tisse ni ne file, dit-il.
Et c'est là le point important : cette méconnaissance de
la présence dans la nature de ce que le savoir a mis quelque temps
à découvrir, à savoir que, qu’est-ce qu'il y a de
plus tissé et de plus filé que le lys des champs ?
Proférer, articuler ceci comme
modèle, c'est là, proprement, ajouter à la méconnaissance,
et ce n'est pas pareil, ajouter à la méconnaissance la dénégation
et la dénégation de quoi, puisque ce n'est qu'une métaphore
? La dénégation de l'inconscient. A savoir de ce qu'il tisse
et qu'il file... ce savoir sans quoi il n'y a pas de juste situation de
l'amour si ce en quoi consiste l'amour, c'est très précisément
ce dire, ce dire qui part, remarquez-le, de l'Imaginaire pris comme moyen.
Ce qu'il y a dans l'amour courtois,
c’est que ce qui restait encore dans Platon suspendu à l'imaginaire
du beau, c'est cela qui se cristallise, qui, dans l'amour comme moyen,
prend corps, à l'opposé si je puis dire, car tout ceci peut
se faire, s'articuler par une série triple d'oppositions, à
l'Imaginaire de l'amour tel qu'il s'articule dans le Banquet s'oppose à
le prendre comme moyen ce qu'il en est de l'amour courtois.
Chose qui mérite d'être
avancée. Ne croyez pas que, si j'ai dit que l'amour divin a pris
la place du désir, ça veuille dire que ce soit tout simple,
qu'il faille les remettre à leur place, à savoir que chacun
reprenne la sienne, c'est pas du tout ce qui est arrivé.
Si l'amour courtois a été,
si je puis dire, vidé de sa place, pour à la place du désir
présider à l'ascension d'un amour chrétien, ça
ne veut pas dire que le désir est échangé, il a été
poussé ailleurs.
Il a été poussé ailleurs,
à savoir là où le Réel lui-même est un
moyen entre le Symbolique et l'Imaginaire. Et si ce Réel, c’est
là l'audace, enfin de mon interprétation d’aujourd'hui, enfin,
de ce soir, et si ce Réel est bien la mort... c'est une figuration
grossière mais si ce Réel est bien la mort là où
le désir fut chassé, si vous me permettez de parler en termes
d'événement, là où le désir fut chassé,
ce que nous avons, c'est le masochisme.
Non certes, bien sûr, en tant
qu'il serait, en quoi que ce soit, le véhicule de la mort, ça
il n'y a que les psychanalystes pour le croire, les pauvres petits, hein
! instinct de vie, instinct de mort, il n'y a que de ça qu'ils s'occupent
dans leur interprétation. Ils sont tout à fait à côté
de la plaque, mais que ce soit le masochisme qui là les ait suscités,
ça ne fait aucun doute, la jonction, l'emploi comme moyen, comme
moyen pour unir, pour unir la jouissance et le corps, l'emploi comme moyen
de cette perversion est certes ce qui les attache. Ce qui les attache,
si je puis dire, pour un temps, enfin, irrémédiablement,
ce sur quoi une partie de leur théorie est construite. Il n'en reste
pas moins que l'amour est le rapport du Réel au savoir.
Et... la psychanalyse, il faut qu’elle
se corrige de ce déplacement, de ce déplacement qui tient
à ce qu'après tout, elle n'a fait que suivre le virage hors
place du désir, il faut bien qu'elle sache que si la psychanalyse
est un moyen, c'est à la place de l'amour qu'elle se tient.
C'est à l'imaginaire du beau
qu'elle a à s'affronter, et c'est à frayer la voie à
un refleurissement de l'amour en tant que l’(a)mur, comme je l’ai dit un
jour, en l'écrivant l'objet petit (a) entre parenthèses plus
le mot mur, puisque l’(a)mur c'est ce qui le limite.
L'amour est l'imaginaire spécifique de chacun, ce qui ne l'unit qu'à un certain nombre de personnes pas choisies du tout au hasard. Il y a là le ressort du plus-de-jouir. Il y a le rapport de réel d'un certain savoir et l'amour bouche le trou. Comme vous le voyez, hein, c'est un peu coton.
C'est un peu coton mais quand même,
ce qu'il faut que je vous dise pour terminer, parce qu'après tout,
ça ne se termine pas, tous ces trucs, ce qu'il faut que je vous
montre pour terminer, c'est quelque chose qui va répondre à
ce que la dernière fois je vous ai dit de la structure de ce nœud,
du nœud borroméen que vous avez maintenant entre vos mains, c'est
à savoir qu'à partir d'un certain point mal choisi, il n'y
a aucun moyen d'en sortir. Tout ceci voudrait dire que chacun tisse son
nœud.
Il y a quelque chose que je veux vous
montrer, pour vous montrer comment le ratage se produit. Parce que, il
y a tout de même un inverse ! J'ai paru vous chanter le los
de l'amour, oui, il y a un inverse : c'est que vous allez voir comment,
si l'amour devient réellement le moyen par quoi la mort s'unit à
la jouissance, l'homme et la femme, l'être au savoir, s'il devient
réellement le moyen, l'amour ne se définit plus comme ratage.
Parce qu'il n'y a plus que vraiment le moyen qui puisse dénouer
l'un de l'autre. Et ceci se produit de la façon que je vais vous
montrer, qui est la suivante.
Le nœud borroméen, c'est quelqu'un
de charmant qui m'écoute, enfin, qui m'a envoyé tout un papier
là-dessus, le nœud borroméen, ça a été
abordé par des voies mathématiques, comme vous le savez,
je vous l'ai dit, la théorie des noeuds en est encore au b.a.ba
; l'amusant c'est que... il s'est découvert, non pas à prendre
les choses au niveau des noeuds, mais à celui de la tresse.
Ah ! Qu'est-ce que c'est qu'une tresse
? D'abord, ça a des rapports avec trois, sans ça, ça
n's'appellerait pas tresse... hein, ouais... un, deux, trois...
Comment est-ce que je fais avec ça
une tresse ? N'importe qui s’est occupé des cheveux d'une femme
peut quand même le savoir, mais naturellement vous ne le savez pas
puisque maintenant les femmes ont des cheveux courts.
Alors une tresse ça se fait
comme ça, n'est-ce pas ? A savoir, hein, vous changez la place du
deux dans la place du un et le trois étant dans son coin.
Bon, il faut vraiment marquer la place du résultat parce que sans ça vous y comprendrez rien. Si je renoue ça un peu trop vite, vous ne pourrez pas voir où se font les coupures. J'ai eu moi-même bien sûr à me heurter à ce tintouin mais je vous l'évite.