Jacques Lacan
1973-74
En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, le texte proposé sur cette page est une transcription écrite intégrale de la séance énoncée le 19 février 74, relue à l'aide de la bande son,
(mars 2003).
Transcription de la version sonore originale
Alors, cher Rondepierre, je vous l'ai
barboté, hein... Je vous l'ai barboté, c'était
vous qui l'aviez commandé, mais je l'ai, je l'ai pris. Voilà.
Alors je ce que j'ai barboté
à Rondepierre, c’est un bouquin de Hintikka qui s'appelle Models
for modalities. C'est une très bonne lecture. C'est une très
bonne lecture qui est bien faite pour démontrer ce qu'il ne faut
pas faire.
A cet égard, c'est utile. Bon.
Voilà.... Ouais... Quelle heure est-il ?
Ce Hintikka est un Finlandais, logicien,
c'est pas parce qu'il a fait ce qu'il ne faut pas faire, que comme je viens
de vous le dire, il n'est pas très très très très
utile. Il est justement particulièrement démonstratif.
Si vous lisez ce que je viens d'écrire
au tableau, vous voyez peut-être où ça peut se placer,
ce qu'il ne faut pas faire, vous le voyez peut-être. Enfin, vous
le verrez mieux quand j'en aurai dit un peu plus long. Ouais...
[...] pause, avant le début, les gens s'installent dans la salle...Par contre, puisque j'ai encore une petite minute, par contre, il y a un bon exemple, un bon exemple de ce qu'on peut faire. C'est un autre bouquin. C'est un autre bouquin du même, Jaakko, ça se dit, paraît-il, Jaakko Hintikka, Jacques, donc qu'il s'appelle. Jaakko Hintikka a fait un bouquin qui s'appelle Time and Necessity, avec comme sous-titre Etudes sur la théorie des modalités d'Aristote. Ça, c'est pas mal. C'est pas mal et... ça suppose, ça suppose, je ne viens de l'avoir qu'il n'y a deux jours, ça suppose que quelqu'un, le Hintikka en question, m'avait devancé, m'avait devancé depuis longtemps puisque son bouquin a non seulement été écrit mais est sorti ... m'avait devancé depuis longtemps sur ce que je vous faisais remarquer la dernière fois, que I'Organon d'Aristote, ça vaut la peine d'être lu parce que, parce que le moins qu'on puisse dire, c'est que, c'est que ça vous... c'est que ça vous cassera la tête, et que ce qui est difficile, c'est bien de savoir, chez un frayeur, comme je l'ai appelé, comme Aristote, c'est bien de savoir pourquoi, pourquoi... pourquoi il a choisi ces termes-là et pas d'autres. Voilà. Il a choisi ceux-là et pas d'autres parce que... c'est pas possible en fin de compte, c'est pas possible, c'est pas possible de dire pourquoi si, si je ne commence pas par articuler ce que j'ai à, ce que j'ai à vous dire aujourd’hui.
1.Ça prouve déjà que ça ne suffit pas de la dire pour y être, dans le vrai. Et j'avance tout de suite, n'est-ce pas, à un des points pivot de ce [... mot inaudible], si je n'er(rrr)re pas
2.[Ce que j'ai fait la dernière fois, naturellement, c'est pas rien. Il faut le faire ! Naturellement ça a passé inaperçu à j'imagine plus d'une personne, mais enfin il y en a quelques-unes qui ont marqué le coup. Bon. Alors] si je n'er(rrr)re pas, et j'ai pas l'air, hein, comment joue le jeu qui me guide ?Ça fait un verbe, ça, hein... jouljeu, tu jouljeues, ça continue, ça tient le coup à "il jouljeue". Et puis après ça flotte. Nous "jouljouons", ou le verbe jouljouer, ça, ça peut pas tenir. Ça prouve qu'on ne jouljeue qu'au singulier. Au pluriel, c'est douteux, ça ne se "conjeugue" pas au pluriel le jouljeu. Et le fait qu'il n'y ait pas de pluriel n'empêche pas qu'il y ait tout de même plusieurs personnes au singulier. Il y en a trois, justement. C'est à ça que se reconnaît le trois du Réel, qui comme je vous l'ai déjà... essayé de vous le faire sentir, il est trois, hein, et même étroit comme la porte.
La logique épistémique part
de ceci que le savoir, c'est forcément savoir le vrai.
Vous ne pouvez pas imaginer où ça
mène. A des folies, hein ... à des folies ! Ne serait-ce
que celle-ci, enfin, en faux, en faux duquel s'inscrit le savoir inconscient,
qu'il est impossible de savoir quoi que ce soit, supposé vrai comme
tel, sans le savoir. Je veux dire savoir qu'on sait.
D'où il résulte qu'il est
tout à fait impossible, c'est pas très difficile à
obtenir, mais enfin il y a un mathématicien très sympathique,
qui se rompt à Hintikka, et qui en effet fait la très jolie
démonstration, on m'en a communiqué les notes, que le savoir
qui se supporterait de ce qu'on ne sache pas qu'on sait est strictement
inconsistant, enfin impossible à énoncer dans la logique
épistémique. Oui.
Vous pouvez là toucher du doigt que
le savoir, ça s'invente, puisque cette logique, c'est un savoir.
Un savoir comme un autre, et là je voudrais vous ramener, comme
ça, un peu les pieds sur terre, c'est simplement vous rappeler,
enfin, ce que c'est que le savoir inconscient. Ça mérite
pleinement le titre de savoir, hein !
Et son rapport à la vérité,
faut bien le dire, Freud s'en inquiète, enfin, c'est même
au point que ça le chamboule quand une de ses... on appelait ça
patiente
à ce moment-là, on n'avait pas encore trouvé le terme
d'analysant, quand une de ses patientes lui apporte un rêve
qui ment délibérément.
C'est que c'est là qu'est la faille.
Il y a quelque chose, dans Freud, qui prêtait
à cette confusion qu'on a faite, en fin de compte, en traduisant
Trieb
par
instinct.
Chacun sait que l'instinct c'est... c'est un savoir, comme ça, supposé
naturel.
Mais il y a quelque chose quand même
qui fait un pli, pour ce qui est de Freud, c'est l'instinct de mort. Hein.
Bien sûr, moi j'ai fait un petit pas
de plus que lui. Mais c'est dans le mauvais sens. Lui tourne autour. Lui,
lui se rend bien compte. Faut que vous lisiez pour ça le fameux
Au-delà,
oui, Au-delà du principe du plaisir, comme par hasard.
Dans c't Au-delà
enfin, il,
il se tracasse, comment quelque chose dont le module, c'est de rester à
un certain seuil, le moins de tension possible, c'est ça qui plaît
à la vie, qu'il dit. Seulement, il s'aperçoit dans la pratique
que ça ne marche pas. Alors il pense que ça passe plus bas
que le seuil. A savoir que cette vie qui maintient la tension à
un certain seuil, elle se met tout d'un coup à lâcher, et
que sous le seuil, la v'là qui succombe, qui succombe jusqu'à
rejoindre la mort. C'est comme ça qu'à la fin du compte,
il fait passer le machin.
La vie c'est, c'est quelque chose qui s'est
levé un jour Dieu sait pourquoi, c'est le cas de le dire, et puis
qui ne demande qu'à faire retour, comme tout le reste. Il confond
le monde inanimé avec la mort. Il est inanimé, ça
veut dire qu'il est supposé ne rien savoir. Ça ne veut rien
dire de plus pour quiconque donne à l'âme son équivalent
sensé. Mais ce fait qu'il ne sache rien, ça ne prouve pas
qu'il est mort.
Pourquoi que le monde inanimé serait,
serait un monde mort ?
Ça ne veut pas dire grand-chose,
certes, mais poser la question a aussi bien son sens...
Quoi qu’il en soit, corrélativement
à cette question de l’Au-delà du principe du plaisir,
Freud
nage dans ceci, qui est beaucoup plus près de la question de la
mort, à savoir de ce que c'est, hein.
Il part, il part et puis il lâche
le truc, et c'est bien embêtant. Il part de la question du germen
et du soma. Il l'attribue à Weismann3..
J'peux pas m'étendre. C'est pas tout à fait ça qu'a
dit Weismann. Celui qui est parti de la séparation du germen et
du soma, c’est un type qui vivait un peu avant et qui s'appelait Nussbaum3..
D'ailleurs, pour ce que vous en faites, restons-en là, ça
n'a pas grande importance. Ce qui est important et ce qu'a frôlé
Freud à cette occasion, c'est qu'il n'y a de mort que là
où il y a reproduction de type sexuel. C'est tout.
Si nous employons le terme d'Aristote, l'uparkein
en question, l'appartenir à, et si nous l'employons de la
bonne façon, de la façon dont Aristote l'emploie, c'est-à-dire
sans savoir par quel bout l'attraper, nous voyons que le sexe uparkein
appartient à la mort, à moins que la mort n'appartienne au
sexe, et nous restons là, avec dans la main, précisément,
le manche par où nous avons attrapé la chose. Oui.
Là où la faille se démontre
dans ses conséquences, c'est que c'est à ce propos que Freud,
sous ce prétexte qu'il y a quelque chose dans le monde qui montre
que la vie quelquefois va à la mort, il conjoint, il y conjoint
ce qu'il est quand même difficile de, d'éliminer du sexe,
c'est la jouissance.
Et que, faisant le glissement qu'il n'aurait
pas fait s'il avait tenu ferme dans ses mains le noeud borroméen,
il désigne de masochisme la prétendue conjonction de cette
jouissance, jouissance sexuelle, et de la mort. C'est un collapsus. Ouais.
S'il y a un endroit où la clinique,
la pratique, nous montrent bien quelque chose, et c'est pourquoi j'en ai
félicité, comme ça au tournant, quelqu'un qui depuis
a mal tourné... s'il y a quelque chose qui est bien évident,
c'est que le masochisme, c'est du chiqué. C'est un savoir, certes,
un savoir-faire, même, hein ! Mais s'il y a alors un savoir dont
ça se touche du doigt que ça s'invente, que c'est pas à
la portée de tout le monde, c'est bien là !
Faut dire que le personnage en question,
là, que j'ai félicité au tournant, c'était
pas un clinicien, mais il avait seulement lu Sacher Masoch. Si c'est là
que ça se voit, enfin, que le masochisme ça s'invente et
que c'est pas à la portée de tout le monde, que c'est une
façon d'établir un rapport là où il n'y en
a pas le moindre, entre la jouissance et la mort, c'est bien clairement
manifesté par le fait que quand même hein, on n'y met que
le petit bout du petit doigt, hein, on se laisse pas happer comme ça
dans la machine. Bon.
Alors c'est ce qui, quand même, permet d'envisager
la portée de ce que j'énonce, c'est que le savoir, le savoir
là où nous le saisissons pour la première fois, comme
ça, maniable, maniable parce que, parce que c'est pas nous qui savons,
c'est
pas nous qui savons, que dit un de mes élèves, et qu'il
appelle ça le non-savoir, pauvre gars ! Ah ! Il s'imagine
qu'il ne sait pas ! Quelle drôle d'histoire...
Mais nous savons tous parce que tous, nous
inventons un truc pour combler le trou dans le Réel.
Là où il n'y a pas de rapport
sexuel, ça fait troumatisme ! (rires)
On invente. On invente ce qu’on peut, bien
sûr. Quand on n'est pas malin, on invente le masochisme. Sacher Masoch
était un con. (rires)
Il faut voir aussi avec quelles pincettes,
enfin n'est-ce pas, la personne qui voulait bien jouer le machin, comme
ça, pour lui répondre, avec quelles pincettes elle le prenait,
le Sacher Masoch ! Elle ne savait pas qu'en faire. Il n'avait que le
Figaro pour s'exprimer, (rires) hein, c'est tout dire ! Enfin,
laissons Sacher Masoch... Il y a des savoirs plus intelligemment inventés.
Et c'est bien en ça que je
dis que le Réel, non seulement là où il y a un trou,
ça s’invente, mais que c'est pas impensable que ce soit pas par
ce trou que nous avancions, dans tout ce que nous inventons du Réel,
qui n'est pas rien parce qu'il est clair qu'il y a un endroit où,
où ça marche le Réel, c'est quand nous le faisons
entrer comme trois, cette chose bâtarde, parce qu'il est sûr
que c'est difficile à manipuler logiquement, cette connotation trois
pour le Réel.
Tout ce que nous savons c'est que
un
connote fort bien la jouissance, et que zéro, ça veut
dire y en a pas, ce qui manque, et que si zéro et
un ça fait deux, c'est pas ça qui rend moins hypothétique
la conjonction de la jouissance d'un côté avec la jouissance
de l'autre. Ouais.
Non seulement ça ne la rend pas plus
sûre, mais ça l’abîme. Dans un monde ni fait ni à
faire, un monde totalement énigmatique, dès qu’on essaie
d'y faire entrer ce quelque chose qui serait modelé sur la logique,
et dont se fonderait que dans l'espèce dite humaine on est ou homme
ou femme.
C'est très spécialement ce
contre quoi s'élève l'expérience, et je n'ai pas besoin
d'aller loin, quelqu'un m’a rapporté, pas plus tard qu'il y a quelques
heures, sa rencontre avec un chauffeur de taxi, ça court les rues,
hein, c'est le cas de le dire, dont non seulement il lui était impossible
à la personne qui parlait de dire si c'était un homme ou
une femme, mais même elle lui a demandé et lui n'a pas pu
lui répondre. (rires)
Quand je dis que que ça court
les rues, quand même, c'est pas rien ! Hein !
Et même c'est de là que
Freud part.
Il part, comme ça, en commentaire,
l'expérience ne lui suffit pas parce qu'il faut qu'il s'accroche
un peu partout, à la science, hein, du moment qu'il n'y a rien,
il n'y a rien qui ressemble plus à un corps masculin qu'un corps
féminin, si on sait regarder à un certain niveau, au niveau
des tissus, hein. Ça n’empêche pas qu'un oeuf, c'est pas un
spermatozoïde, que c’est là que gît le truc du sexe.
C'est tout à fait superflu, hein,
de faire remarquer que pour le corps, enfin, ça peut être
ambigu comme dans le cas du chauffeur de tout à l'heure. C'est tout
à fait superflu. Parce qu'on voit bien que ce qui détermine,
c'est même pas un savoir, c'est un dire.
Ce n'est un savoir que parce que c'est un
dire logiquement inscriptible. C'est celui que je vous ai écrit,
en toutes lettres, c'est le cas de le dire avec mon Il existe x non
phi de x...
Alors, alors. Qu'est-ce qu'il en est du savoir
?
Bien sûr, je ne suis pas arrivé
à cette heure-ci, c'est-à-dire une heure vingt, ou quelque
chose comme ça...
Et ce qu'il faut que vous fassiez
comme pas supplémentaire, c'est de vous apercevoir que si ce que
je vous rends sensible en vous disant que l'inconscient ça ne découvre
rien, puisqu'il n'y a rien à découvrir...
Il n'y a rien à découvrir
dans le Réel, puisque là il y a un trou. Si l'inconscient,
là, invente, c'est d'autant plus précieux de vous apercevoir
que dans la logique c'est la même chose, à savoir que si Aristote
ne l'avait pas inventé son premier frayage, à savoir fait
passer du dire dans ce concassage de l'être grâce à
quoi il fait des syllogismes, bien sûr on avait fait des syllogismes
avec lui, simplement on savait pas que c'étaient des syllogismes
!
Pour s’en apercevoir, faut l'inventer, hein,
pour voir où est le trou, faut voir le bord du Réel.
Et comme nous sommes déjà
bien avant, et que je suis pas arrivé à vous en dire le quart,
ça sera tant pis, ça meublera, enfin, ce qui viendra ensuite.
Il faut quand même que je vous fasse sentir la portée d'une
certaine façon dont moi je fraie la logique modale.
Le plus fort, hein, c'est que bien sûr,
pour ce qui est de construire, pour ce qui est d'inventer... et voyez là
tous les échos d'intuitionnisme qu'il vous plaira, si tant est que
vous sachiez ce que c'est, je vous ai traduit un jour le nécessaire,
hein, par : ce qui ne cesse pas de s'écrire.
Bon. Sachez-le, il y a une trace dans Aristote,
que la logique propositionnelle, hein comme on dit, à savoir que
quelque chose est vrai ou faux, ce qui se note zéro ou un, selon
les cas, il y a une petite trace, il y a un endroit où Aristote
dérape, je vous montrerai ça quand vous voudrez, dans le
Peri-Hermeneias,
comme par hasard, c'est L'interprétation, pour ceux qui ne
l'entravent pas : il y a un endroit où ça fuse que la logique
propositionnelle est tout aussi modale que les autres.
Il est vrai que... si c'est vrai que ça
ne se situe que là où je vous le dis, c'est-à-dire
là où la contradiction n'est en fin de compte qu'artifice,
artifice de suppléance, mais qui n'en reste pas pour ça moins
vrai, le vrai jouant là le rôle de quelque chose dont on part
pour inventer les autres modes.
C'est à savoir que "nécessaire que
: p"... quelque vérité que ce soit, ne peut se traduire
que par "que ça ne cesse pas de s'écrire".
Chacun voit entre ce fait, ce fait que quelque
chose ne cesse pas de s'écrire, entendez par là que ça
se répète, que c'est toujours le même symptôme,
que ça tombe toujours dans le même godant. Vous voyez bien
qu'entre le "ne cesse pas de s'écrire : p" et le "ne cesse pas de
s'écrire : non-p", nous sommes là dans l'artefact dont témoigne
justement et qui témoigne en même temps de cette béance
concernant la vérité et que l'ordre du possible est comme
l'indique Aristote, connecté au nécessaire. Ce qui cesse
de s'écrire, c'est : p ou non p.
En ce sens, le possible témoigne
de la faille de la vérité. A ceci près qu'il n'y a
rien à en tirer. Il n'y a rien à en tirer et Aristote lui-même
en témoigne. Il y témoigne de sa confusion à tout
instant entre le possible et le contingent.
Ce qu'écrit ici mon V vers le bas,
car après tout, ce qui cesse de s'écrire peut aussi bien
cesser de ne pas s'écrire, à savoir venir au jour comme vérité
du truc. Il peut arriver que j'aime une femme comme un chacun d'entre vous,
c'est ces sortes d'aventures dans lesquelles vous pouvez glisser, ça
ne donne pourtant aucune assurance concernant l'identification sexuelle
de la personne que j'aime pas plus que de la mienne.
Seulement il y a quelque chose qui, entre
toutes ces contingences, pourrait bien témoigner de la présence
du Réel. Et ça c'est bien ce qui ne s’avance que du dire
pour autant qu'il se supporte du principe de contradiction. Ce qui bien
sûr, naturellement, n'est pas du dire courant de tous les jours,
non seulement dans le dire courant de tous les jours, vous vous contredisez
sans cesse, c'est-à-dire que vous ne faites aucune attention à
ce principe de contradiction, mais il n'y a vraiment que la logique qui
l'élève à la dignité d'un principe, et qui
vous permette, non pas bien sûr d'assurer aucun Réel, mais
de vous y retrouver dans ce qu'il pourrait être quand vous l'aurez
inventé.
Et c'est bien en quoi ce que j'ai marqué
concernant l'impossible, c'est-à-dire ce qui sépare, mais
autrement que ne fait le possible, ce n'est pas un ou... ou,
c'est
un et... et.
En d'autres termes, que ce soit à
la fois
p et non p, c'est impossible, c'est très précisément
ce que vous rejetez au nom du principe de contradiction. C'est pourtant
le Réel puisque c'est de là que je pars, à savoir
que pour tout savoir, il faut qu'il y ait invention, que c'est ça
qui se passe dans toute rencontre, dans toute rencontre première
avec le rapport sexuel.
La condition pour que ça passe au
Réel, la logique, et c'est en ça qu'elle s'invente, et que
la logique c'est le plus, le plus beau recours de ce qu'il en est du savoir
inconscient. A savoir de ce avec quoi nous nous guidons dans le pot-au-noir.
Ce que la logique est arrivée à élucubrer, c'est non
pas de s'en tenir à ceci qu'entre p et non p, il faut
choisir, et qu'à cheminer selon la veine du principe de contradiction,
nous arriverons à en sortir quant au savoir.
Ce qui est important, ce qui constitue
le Réel, c'est que, par la logique, quelque chose se passe, qui
démontre non pas qu'à la fois p et non p soient
faux, mais que ni I'un ni I'autre ne puisse être vérifié
logiquement d'aucune façon. C'est là le point, le point de
re-départ, le point sur lequel la prochaine fois je reprendrai :
cet impossible de part et d'autre, c'est là le Réel tel que
nous le permet de le définir la logique et la logique ne nous permet
de le définir que si nous sommes capables, cette réfutation
de l'un et de l'autre, de l'inventer.