Espaces Lacan

Espaces index

Etapes

Sommaire de l'année

D'un discours
qui ne serait pas du semblant
(9)
Séminaire oral du 9 juin 1971

Jacques Lacan

ceci n'est pas une pipe

 

En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, les extraits bientôt proposés sur cette page sont une transcription écrite de la séance qui a été relue à l'aide de la bande son.

Pour cette séance, passages à la ligne et changements de paragraphe s'inspirent dans l'ensemble directement des notes préparatoires de J.Lacan et de la transcription de L'Unebévue, E.P.E.L.
(supplément gratuit au n°8/9, réservé aux abonnés, printemps/été 1997)

Transcription de la version parlée

    Je vais me fonder aujourd'hui sur quelque chose que j'ai pris soin d'écrire. Voilà. Je ne dis pas ça simplement comme ça à la cantonade. Ce n'est pas superflu. Je me permettrai, comme ça, éventuellement de ronronner quelque chose à propos de tel terme de l'écrit.
    Mais si vous avez suffisamment entendu ce que j'ai abordé cette année de la fonction de l'écrit, eh bien, je n'aurai pas besoin de le justifier plus, si ce n'est dans le fait, en acte. Il n'est pas indifférent en effet que ce que je vais lire maintenant soit écrit.
    Ça n'a pas du tout la même portée si simplement je dis ou si je vous dis que j'ai écrit : "Un homme et une femme peuvent s'entendre (rires). Je ne dis pas non. Ils peuvent comme tels s'entendre crier".
    Ça serait un badinage si je ne l'avais pas écrit. Écrit suppose au moins soupçonné de vous, enfin de certains d'entre vous, ce qu'en un temps j'ai dit du cri. Je ne peux pas y revenir.
    Ceci arrive, qu'ils crient, dans le cas où ils ne réussissent pas à s'entendre autrement. Autrement, c'est-à-dire sur une affaire qui est le gage de leur entente.
    Ces affaires ne manquent pas. Y est comprise, à l'occasion - c'est la meilleure - l'entente au lit. Ces affaires ne manquent pas, certes donc, mais c'est en cela qu'elles manquent quelque chose, à savoir de s'entendre comme homme, comme femme, ce qui voudrait dire sexuellement. L'homme et la femme ne s'entendraient-ils ainsi qu'à se taire ? Il n'en est même pas question. Car l'homme, la femme, n'ont aucun besoin de parler pour être pris dans un discours : comme tels, du même terme que celui que j'ai dit tout à l'heure, comme tels ils sont des faits de discours.
    Le sourire ici suffirait, me semble-t-il, à avancer qu'ils ne sont pas que ça. Sans doute ... Qui ne l'accorde ? Mais qu'ils soient cela aussi, des faits de discours, fige le sourire.
    Et ce n'est qu'ainsi, figé par cette remarque, qu'il a son sens, le sourire, sur les statues archaïques. L'infatuation, elle ricane.
    C'est donc dans un discours que les "étant" homme et femme, naturels, si l'on peut dire, ont à se faire valoir comme tels.

    Il n'est discours que de semblant. Si ça ne s'avouait pas de soi, j'ai dénoncé la chose. J'en rappelle l'articulation : le semblant ne s'énonce qu'à partir de la vérité. Sans doute n'évoque-t-on jamais celle-ci, la vérité, dans la science. Ça n'est pas là raison de nous en faire plus de souci. Elle se passe bien de nous.
    Pour qu'elle se fasse entendre, il lui suffit de dire : "je parle", et on l'en croit, parce que c'est vrai : qui parle, parle.
    Il n'y a d'enjeu - je rappelle ce que j'ai dit du pari, en l'illustrant de Pascal - il n'y a d'enjeu que de ce qu'elle dit. Comme vérité, elle ne peut dire que le semblant sur la jouissance et c'est sur la jouissance sexuelle qu'elle gagne à tous les coups.
    Je vais ici vous mettre au tableau, à l'usage éventuel de ceux qui ne sont pas venus les dernières fois, les figures algébriques dont j'ai cru pouvoir ponctuer ce dont il s'agit concernant le coinçage auquel on est amené, d'écrire ce qui concerne le rapport sexuel.

semblant 9a

    Les deux barres mises sur les symboles qui sont à gauche et dont se situe respectivement, au regard de ce dont il s'agit, tout ce qui est capable de répondre au semblant de la jouissance sexuelle, les deux barres, dites de négation, sont ici telles que justement elles ne sont pas à écrire puisque de ce qui ne peut pas s'écrire on n'écrit pas, tout simplement. On peut dire qu'elles ne sont pas à écrire, que ce n'est pas de "tout x" que puisse être posée la fonction (phi) F de x et que c'est de ce "ce n'est pas de toute" que se pose la femme. Il n'existe pas de x tel qu'il satisfasse à la fonction dont se définit la variable d'être la fonction F de x. Il n'en existe pas, c'est de cela que se formule ce qu'il en est de l'homme, mâle j'entends, mais justement ici la négation n'a que la fonction dite de la Verneinung, c'est-à-dire qu'elle ne se pose qu'à avoir d'abord avancé qu'"il existe quelqu'homme", et que c'est par rapport à "toute femme" qu'une femme se situe. C'est un rappel. Ça ne fait pas partie de l'écrit que je reprends, que je reprends, ce qui signifie que, puisque je vois que c'est assez répandu, vous faites bien en effet de prendre des notes. C'est le seul intérêt de l'écrit, c'est que par après vous ayez à vous situer par rapport à lui. Eh bien, on fera bien de me suivre dans ma discipline du nom, N-O-M. J'aurai à y revenir. Spécialement la prochaine fois, ça sera la séance dont nous conclurons cette année. Le propre du nom, c'est d'être nom propre ; même pour un tombé entre autres à l'usage de nom commun, ce n'est pas temps perdu que de lui retrouver un emploi propre. Et quand un nom est resté assez propre, n’hésitez pas, prenez exemple et appelez la chose par son nom : La chose freudienne, par exemple, comme j'ai fait ; vous le savez, j'aime à l'imaginer tout au moins. J'y reviendrai la prochaine fois. Nommer quelque chose, c'est un appel. Si bien que lorsque j'ai écrit, la chose en question, freudienne, se lève et fait son numéro. Ce n'est pas moi qui le lui dicte. Ce serait même de tout repos, de ce repos dernier au semblant de quoi tant de vies s'astreignent... Si je n'étais pas comme homme, masculin, exposé là sous le vent de la castration. Relisez mon texte... Elle, la vérité, mon imbaisable partenaire, elle est certes dans le même vent, elle le porte même : être dans le vent, c'est ça. C'est cela. Mais ce vent ne lui fait ni chaud, ni froid. Pour la raison que la jouissance, c'est très peu pour elle, puisque la vérité, c'est qu'elle la laisse au semblant. Ce semblant a un nom, lui aussi repris du temps mystérieux de ce que s'y jouassent les mystères, rien de plus, où il nommait le savoir supposé à la fécondité, et comme tel offert à l'adoration sous la figure d'un semblant d'organe. Le semblant d'énoncé par la vérité pure est, il faut le reconnaître, assez-phalle, assez intéressé dans ce qui pour nous s'amorce par la vertu du coït, à savoir la sélection des génotypes avec la reproduction du phénotype qui s'ensuit, assez intéressé donc pour mériter ce nom antique de phallus. Bien qu'il soit clair que l'héritage qu'il couvre maintenant se réduit à l'acéphalie de cette sélection, soit l'impossibilité de subordonner la jouissance dite sexuelle à ce qui sub rosa spécifierait le choix de l'homme et de la femme, pris comme porteurs chacun d'un lot précis de génotypes, puisqu'au meilleur cas c'est le phénotype qui guide ce choix.

    A la vérité, - c'est le cas de le dire -, un nom propre (car c'en est encore un, le phallus) - n'est tout à fait stable que sur la carte où il désigne un désert. C'est les seules choses qui, sur la carte, ne changent pas de nom. Il est remarquable que même les déserts produits au nom d'une religion, ce qui n'est pas rare, ne soient jamais désignés du nom qui fut pour eux dévastateur. Un désert ne se rebaptise qu'à être fécondé. Ce n'est pas le cas dans la jouissance sexuelle, que le progrès de la science ne semble pas conquérir au savoir. C'est par contre du barrage qu'elle constitue à l'avènement du rapport sexuel dans le discours que sa place s'y est évidée jusqu'à devenir dans la psychanalyse évidente. Telle est, au sens que ce mot a dans le pas logique de Frege, Die Bedeutung des Phallus. C'est bien pourquoi - j'ai mes malices, hein ! - c'est en Allemagne, parce qu'en allemand, que j'ai porté le message à quoi répond dans mes Ecrits ce titre, et ce au nom du centenaire de la naissance de Freud 1. Il fut beau de toucher, en ce pays élu pour qu'y résonnât ce message, la sidération qu'il produisit. On ne peut pas avoir l'idée maintenant, parce que vous vous baladez tous avec des machins comme ça sous le bras. A ce moment-là, cela faisait un effet, Die Bedeutung des PhallusDire que je m'attendais à cela ne serait rien dire, du moins dans ma bouche. Ma force est de savoir ce qu'attendre signifie. Pour la sidération en question, je ne mets pas ici dans le coup les 25 ans de crétinisation ratée. Cela serait consacrer que ces 25 ans triomphent partout. Plutôt insisterai-je sur ce que Die Bedeutung des Phallus est en réalité un pléonasme : il n'y a pas, dans le langage, d'autre Bedeutung que le phallus. Le langage, dans sa fonction d'existant, ne connote en dernière analyse, j'ai dit "connote" hein, que l'impossibilité de symboliser le rapport sexuel chez les êtres qui l'habitent, qui habitent le langage, oui, en raison de ce que c'est de cet habitat qu'ils tiennent la parole. Et qu'on n'oublie pas ce que j'ai dit de ce que la parole dès lors n'est pas leur privilège, à ces êtres qui l'habitent, qui l'évoquent, la parole, dans tout ce qu'ils dominent par l'effet du discours. Cela commence par ma chienne par exemple, celle dont j'ai longtemps parlé, et ça va très très loin. Le silence éternel, comme disait l'autre, des espaces infinis, n'aura pas comme beaucoup d'autres, d'autres éternités, duré plus qu'un instant. Ça parle vachement dans la zone de la nouvelle astronomie, celle qui s'est ouverte tout de suite après ce menu propos de Pascal.

    C'est de ce que le langage n'est constitué que d'une seule Bedeutung qu'il tire sa structure, laquelle consiste en ce qu'on ne puisse, de ce qu'on l'habite, en user que - pour la métaphore d'où résultent toutes les insanités mythiques dont vivent ses habitants, - pour la métonymie dont ils prennent le peu de réalité qu'il leur reste sous la forme du plus-de-jouir. Or ceci, ceci que je viens de dire, ne se signe que dans l'histoire, et à partir de l'apparition de l'écriture, laquelle n'est jamais simple inscription, fût-ce dans les apparences de ce qui se promeut de l'audiovisuel. L'écriture n'est jamais, depuis ses origines jusqu'à ses derniers protéismes techniques, que quelque chose qui s'articule comme os dont le langage serait la chair. C'est bien en cela qu'elle démontre que la jouissance sexuelle n'a pas d'os, ce dont on se doutait par les moeurs de l'organe qui en donne chez le mâle parlant une figure comique. Mais l'écriture, elle, pas le langage, l'écriture donne os à toutes les jouissances qui, de par le discours, s'avèrent s'ouvrir à l'être parlant. Leur donnant os, elle souligne ce qui y était certes accessible, mais masqué, à savoir que le rapport sexuel fait défaut au champ de la vérité en ce que le discours qui l'instaure ne procède que du semblant à ne frayer la voie qu'à des jouissances qui parodient, c'est le mot propre, celle qui y est effective, mais qui lui demeure étrangère. Tel est l'Autre de la jouissance, à jamais inter-dit, celui dont le langage ne permet l'habitation qu'à le fournir, pourquoi n'emploierais-je pas cette image, de scaphandres. Peut-être que cela vous dit quelque chose, cette image, hein ! Il y en a tout de même quelques-uns d'entre vous qui ne sont pas assez occupés par leurs fonctions de syndicats pour être tout de même émus de nos exploits lunaires.

    Il y a longtemps que l'homme rêve à la lune. Il y a mis le pied maintenant. Pour bien se rendre compte de ce que cela veut dire, il faut faire comme j'ai fait : revenir du Japon. C'est là qu'on se rend compte que rêver à la lune, c'était, c'était vraiment une fonction. Il y a un personnage dont je ne dirai pas le nom - je ne veux pas faire ici d'érudition, qui est encore là, enfermé, c'est exactement lui, on se rend bien compte ce que cela veut dire : persona. C'est la personne même, c'’est son masque qui est là enfermé dans une petite armoire japonaise ; on le montre aux touristes. On sait que c'est lui enfin, de l'endroit à dix mètres où il se montre, cela se trouve dans un endroit qui s'appelle le Pavillon d'Argent, à Kyoto2. qui rêvait à la lune. Nous aimons à croire qu'il la contemplait assez phallique. Nous aimons à le croire enfin, cela nous laisse tout de même dans l'embarras ; on ne se rend plus bien compte. Le chemin parcouru n'est-ce pas pour l'inscrire, pour se tirer de cet embarras, il faut comprendre que c'est l'accomplissement du signifiant de A barré de mon graphe. Bon. Tout cela est un badinage. Je vous demande pardon. C'est un badinage-signal, signal pour moi bien sûr, qui m'avertit que je frôle le structuralisme. Si je suis forcé de le frôler, comme cela naturellement, c'est pas de ma faute. Je m'en déchargerai, ce sera à vous d'en juger, sur la situation que je subis. Le temps passe et naturellement je dois me presser un peu je suis forcé d'abréger un peu, d'’autant que cela va devenir plus difficile à suivre, mon écrit. Mais cette situation que je subis, je vais l'épingler, je vais l'épingler de quelque chose qui ne va pas vous apparaître tout de suite, mais que j'aurai à dire d'ici qu'on se quitte dans huit jours, c'est que je l'épinglerai du refus de la performance. C'est une maladie, une maladie d'époque, sous les fourches de laquelle il faut bien passer, puisque ce refus constitue le culte de la compétence, c'est-à-dire de la certaine idéalité dont je suis réduit, avec d'ailleurs beaucoup de champs de la science, à m'autoriser devant vous.

    Le résultat, ça, c'est des anecdotes : mes Ecrits sont par exemple ... on en traduit un en anglais, Fonction et champ de la parole et du langage, on le traduit par The language of the self. Je viens d'apprendre qu'en espagnol on a fait aussi quelque chose dans ce genre-là, une traduction d'un certain nombre, c'est intitulé : Aspects structuralistes de Freud. Enfin quelque chose comme ça, enfin laissons 3....

    La compétence n'existe que de ce que c'est dans l'incompétence qu'elle prend assiette à se proposer sous forme d'idéalité à son culte.
    C'est comme cela qu'elle va aux concessions, et je vais vous en donner un exemple : la phrase par laquelle j'ai commencé, "L'homme et la femme peuvent s'entendre, je ne dis pas non ...", eh bien, voilà, c'était pour vous dorer la pilule ! Et la pilule, ça n'arrange rien, hein !
    La notion forgée du terme de structuralisme tente de prolonger la délégation faite un temps à certains spécialistes, les spécialistes de la vérité..., la délégation d'un certain vide qui s'aperçoit dans la raréfaction de la jouissance.
    C'est ce vide qu'avait relevé, sans fard, l'existentialisme après que la phénoménologie, la phénoménologie, hein, bien plus faux-jeton, eût jeté le gant de ses exercices respiratoires. Elle occupait les lieux laissés déserts par la philosophie, parce que ce n'était pas des lieux appropriés. Actuellement, ils sont tout juste bons au mémorial de sa contribution, qui n'est pas mince, à la philosophie, au discours du Maître qu'elle a définitivement stabilisé de l'appui de la science.
    Marx ou pas et qu'il l'ait balancée sur les pieds ou sur la tête, la philosophie, il est certain que la philosophie en tout cas, elle, n'était pas "assez...phalle". Qu'on ne compte pas sur moi pour structuraliser l'affaire de la vie impossible, comme si ce n'était pas de là qu’elle avait chance, la vie, de faire la preuve de son réel.

    Ma prosopopée esbaudissante du "Je parle", dans l'écrit cité tout à l'heure, La chose freudienne, pour être mise au compte rhétorique d'une "vérité en personne" ne me fait pas choir là d'où je la tire : du puits.
    Rien n'est dit là de ce que parler veut dire : la division sans remède de la jouissance et du semblant. La vérité, c'est de jouir à faire semblant et de n'avouer en aucun cas que la réalité de chacune de ces deux moitiés ne prédomine qu'à s'affirmer d'être de l'autre, soit à mentir à jets alternés. Tel est le mi-dit de la vérité.

    Son astronomie est équatoriale, soit déjà tout à fait périmée quand elle naquit du couple nuit-jour.
  Une astronomie, ça s'arraisonne de se soumettre aux saisons, s'assaisonner. Ceci est une allusion à l'astronomie chinoise qui, elle, était équatoriale, mais qui n'a rien donné.

    La chose dont il s'agit, ce n'est pas sa compétence de linguiste, et pour cause, qui, à Freud, en a tracé les voies. Ce que je rappelle, moi, c'est que ces voies il n'a pu les suivre qu'à y faire preuve, et jusqu'à l'acrobatie, de performances de langage, et que là, seule la linguistique permet de les situer dans une structure en tant qu'elle s'attache, elle, à une compétence qu'on appelle une conscience linguistique qui est tout de même bien remarquable justement de ne jamais se dérober à son enquête.
    Donc ma formule, que l'inconscient est structuré comme un langage, implique qu'a minima la condition de l'inconscient, c'est le langage.
    Mais ça n'ôte rien à la portée de l'énigme qui consiste en ce que l'inconscient en sache plus long qu'il n'en a l'air, puisque c'est de cette surprise qu'on était parti pour le nommer comme on l'a fait. Il en sait des choses ! Naturellement tout de suite ça tournait court si on le coiffait, le petit inconscient, de tous les instincts qui sont d'ailleurs toujours là comme éteignoir : lisez n'’importe quoi qui se publie hors de mon école.
    L'affaire était dans le sac, il ne s'agissait plus que d'y mettre l'étiquette à l'adresse de la vérité précisément, laquelle la saute assez de notre temps, si je puis dire, pour ne pas dédaigner le marché noir.
    J'ai mis des bâtons dans l'ornière de sa clandestinité à marteler que le savoir en question ne s'analyse que de se formuler comme un langage, soit dans une langue particulière, fût-ce à métisser celle-ci, en quoi d'ailleurs il ne fait rien de plus que ce que les dites langues se permettent couramment de leur propre autorité.
    Personne ne m'a relancé sur ce que sait le langage, - sait : s-a-i-t - à savoir "Die Bedeutung des Phallus". Je l'avais dit certes, mais personne s'en est aperçu parce que c'était la vérité.
    Alors qui est-ce qui s'intéresse à la vérité ? Eh bien des gens, dont j'ai dessiné la structure de l'image grossière qu'on trouve dans la topologie à l'usage des familles. Voilà comment ça se dessine.

    Dans cette topologie à l'usage des familles, c'est comme ça qu'on dessine la bouteille de Klein.

Il n'y a pas, j'y reviens, un point de sa surface qui ne soit partie topologique du rebroussement qui se figure ici du cercle, ici dessiné, du cercle seul propre à donner à cette bouteille le cul dont les autres s'enorgueillissent indûment. Les autres bouteilles, hein ! elles ont un cul, dieu sait pourquoi !
    Ainsi n'est-ce pas là où on le croit, mais en sa structure de sujet que l'hystérique - j'en viens à une partie des gens que je désignais à l'instant - conjugue la vérité de sa jouissance au savoir implacable qu'elle a que l'Autre propre à la causer, c'est le phallus, soit un semblant.
[coupure 47'40...]4
    Qui ne comprendrait la déception de Freud, à saisir que le pas de guérison à quoi il parvenait avec l'hystérique n'allait à rien de plus qu'à lui faire réclamer ce dit semblant soudain pourvu de vertus réelles de l'avoir accroché à ce point de rebroussement qui pour n'être pas introuvable sur le corps - c'est évident - est une figuration topologiquement tout à fait incorrecte de la jouissance chez une femme. Mais Freud le savait-il ? On peut se le demander.
    Dans la solution impossible de son problème, c'est à en mesurer la cause au plus juste, soit à en faire une juste cause, que l'hystérique s'accorde de ce qu'elle feint être détenteur de ce semblant : "au moins un" que j'écris, ai-je besoin de le réécrire, "l'hommoinzin" conforme à l'os qu'il faut à sa jouissance pour qu'elle puisse le ronger. Cette approche de "l'hommoinzin", il y a trois façons de l'écrire, n'est-ce pas :
- il y a, la façon orthographique commune, puisqu'après tout il faut que je vous explique : "au moins un"
- et puis il y a ça : l'"hommoinzin", qui a cette valeur expressive que je sais donner toujours aux jeux structurels, n'est-ce pas.
- Et puis, à l'occasion, vous pouvez quand même le rapprocher et l'écrire :
a(∪)moinzin 4bis, comme ça pour ne pas oublier qu'à l'occasion elle peut fonctionner comme objet petit a.
    Ses approches de "l'hommoinzin" ne pouvant se faire qu'à avouer au dit point de mire qu'il prend au gré de ses penchants, la castration délibérée qu'elle lui réserve, ses chances sont limitées. Il ne faudrait pas croire que son succès passe par quelqu'un de ces hommes, au masculin, que le semblant embarrasse plutôt ou qui le préfèrent plus franc. Ceux que je désigne ainsi, ce sont les sages, les masochistes. Ça situe les sages. Il faut les ramener à leur juste plan.
    Juger ainsi du résultat est méconnaître ce qu'on peut attendre de l'hystérique pour peu qu'elle veuille bien s'inscrire dans un discours : car c'est à mater le maître qu'elle est destinée et que grâce à elle il se rejette dans le savoir.

    Voilà, je n'apporte ici rien d'autre n'est-ce pas...  c'est l'intérêt de cet écrit, c'est qu'il engendre des tas de choses, mais il faut bien savoir où sont les points à retenir. Rien d'autre que de marquer que le danger est le même, à ce carrefour, que celui que je viens d'épingler d'en être averti, puisque c'est de là que j'étais parti, tout à l'heure. J'en reviens au même point, hein, je tourne en rond.
    Aimer la vérité, même celle que l'hystérique incarne, si l'on peut dire, n'est-ce pas, soit à lui donner ce qu'on n'a pas sous prétexte qu'elle le désire, c'est très précisément se vouer à un théâtre dont il est clair qu'il ne peut plus être qu'une fête de charité. Je ne parle pas seulement de l'hystérique, je parle de ce quelque chose qui s'exprime dans, vous dirais-je comme Freud, le "malaise dans le théâtre". Pour qu'il tienne encore debout, il faut Brecht qui a compris que ça ne pouvait pas tenir sans une certaine distance, un certain refroidissement.
    Cet "il est clair" que je viens de dire "qu'il ne peut plus être... etc." est à proprement parler justement un effet d'Aufklärung, à peine croyable, n'est-ce pas, lié à l'entrée en scène, si boîteuse qu'elle se soit faite, du discours de l'analyste. Ça a suffi à ce que l'hystérique, l'hystérique qualifiée dont je suis en train, vous le sentez bien, d'approcher la fonction pour vous, ça a suffi à ce que l'hystérique renonce à la clinique luxuriante dont elle meublait la béance du rapport sexuel.
    C'est à prendre, c'est à prendre comme le signe... (murmures dans la salle), c'est un exemple... (rires), c'est peut-être à prendre comme le signe fait à quelqu'un - je parle de l'hystérique - qu'elle va faire mieux que cette clinique !
    La seule chose importante, ici, est ce qui passe inaperçu, à savoir que je parle de l'hystérique comme de quelque chose qui supporte la quantification. Quelque chose qui s'inscrirait à m'entendre d'un A renversé de x, c'est comme ça que je l'ai écrit au tableau, toujours apte en son inconnue à fonctionner dans phi F de x comme variable. C'est bien en effet ce que j'écris et dont il serait facile, à relire Aristote, de déceler quel rapport à la femme précisément identifiée par lui à l'hystérique - ce qui met plutôt les femmes de son époque en très bon rang, à tout le moins, elles étaient pour les hommes stimulantes - déceler quel rapport à la femme identifiée à l'hystérique lui a permis - c'est un saut - d'instaurer sa logique en forme de Pan.5.
    Le choix de Pan , Panta , Pan, le choix de ce vocable, plutôt que celui d'ekastos pour désigner la proposition universelle affirmative, comme la négative d'ailleurs, enfin toute cette pan-talonnade de la première grande logique formelle, est tout à fait essentiellement lié à l'idée qu'Aristote se fait de la femme.
    Ce qui n'empêche pas que justement la seule formule universelle qu'il ne se serait pas permis de prononcer, ça serait "toutes les femmes"; il n'y en a pas trace. Ouvrez les premiers Analytiques. Pas plus que lui, alors que ses successeurs s'y sont rués la tête la première, ne se serait permis d'écrire cette incroyable énormité dont vit la logique formelle depuis : "tous les hommes sont mortels", ce qui préjuge tout à fait du sort à venir de l'humanité.
    "Tous les hommes sont mortels", ça veut dire que tous les hommes, puisqu'’il s'agit là de quelque chose qui s'énonce en extension, tous les hommes en tant que tous sont destinés à la mort, c'est-à-dire le genre humain à s'éteindre, ce qui est pour le moins hardi.
    Que A de x 6.  impose le pas à un être, à un "toute femme", qu'un être aussi sensible qu'Aristote, eh bien, ne l'ait jamais commis ce "toute femme", c'est justement ce qui me permet d'avancer que le "toute femme" est l'énonciation dont se décide l'hystérique comme sujet. C'est pour cela qu'une femme est solidaire d'un papludun qui proprement la loge dans cette logique du successeur que Peano nous a donné comme modèle.
    Mais l'hystérique n'est pas "une femme". Il s'agit de savoir si la psychanalyse, telle que je la définis, donne accès à "une femme" ou si qu'une femme advienne, c'est affaire de doxa, c'est-à-dire si c'est comme la vertu l'était au dire des gens qui dialoguaient dans le "Ménon" - vous vous rappelez : le Ménon, mais non, mais non ! - comme cette vertu l'était - c'est ce qui fait le prix, le sens de ce dialogue - cette vertu était ce qui ne s'enseigne pas.
   Ça se traduit : ce qui ne peut d'elle, "d'une femme", telle que j'en définis là le pas, être su dans l'inconscient, soit de façon articulée. Car enfin - là j'arrête - quelqu'un qui justement en remet sur le théâtre, comme si c'était là question digne, enfin, d'absorber vraiment une grande activité - c'est un livre 6bis. très bien fait - une grande activité d'analyste, comme si c'était là vraiment ce dans quoi un analyste devait se spécialiser, quelqu'un me fait mérite, dans une note, d'avoir introduit la distinction entre vérité et savoir. Énorme, énorme, je viens de vous parler du Ménon. Naturellement il ne l'a pas lu, il ne lit que du théâtre...
    Mais enfin le Ménon, c'est avec ça que j'ai commencé de franchir les premières phrases.  de la crise qui m'a opposé à un certain appareil analytique. La distinction entre la vérité et le savoir, l'opposition entre l'existante et la doxa vraie, celle qui peut fonder la vertu, vous la trouvez écrite comme ça, toute crue, dans le Ménon.
    Ce que j'ai mis en valeur, c'est justement le [contraire] 8, c'est leur jonction, à savoir que l'acte, enfin là où ça se noue en apparence, dans un cercle culier, le savoir dont il s'agit, dans l'inconscient, c'est celui qui glisse, qui se prolonge, qui à tout instant s'avère savoir de la vérité. Et c'est là que je pose à l'instant la question : est-ce que ce savoir effectivement nous permet de progresser sur le Ménon, à savoir de dire si cette vérité, en tant qu'elle s'incarne dans l'hystérique, est susceptible effectivement d'un glissement assez souple pour qu'elle soit l'introduction à "une femme".
    Je sais bien : la question s'est élevée d'un degré depuis que j'ai démontré qu'il y a du langagièrement articulé qui n'est pas pour cela articulable en paroles.
    C'est là simplement ce dont se pose le désir.
    Il est facile pourtant de trancher. C'est justement de ce qu'il s'agisse du désir en tant qu'il met l'accent sur l'invariance de l'inconnue, de l'inconnue qui est à gauche, celle qui ne se produit que sous le chef d'une Verneinung, c'est justement de ce qu'il met l'accent sur l'invariance de l'inconnue que l'évidement du désir par l'analyse ne saurait l'inscrire dans aucune fonction de variable. C'est là la butée dont se sépare comme tel le désir de l'hystérique de ce qui pourtant se produit et qui permet à d'innombrables femmes de fonctionner comme telles, c'est-à-dire en faisant fonction du papludun de leur être pour toutes leurs variations situationnelles.
    L'hystérique joue là le rôle de schéma fonctionnel, si vous savez ce que c'est. C'est la portée de ma formule du désir dit insatisfait.
    Il s'en déduit que l'hystérique se situe d'introduire le papludun dont s'institue chacune des femmes par la voie du "ce n'est pas de toute femme que se peut dire qu'elle soit fonction du Phallus". Que ce soit de toute femme, c'est là ce qui fait son désir et c'est pourquoi ce désir se soutient d'être insatisfait : c'est qu'une femme en résulte, mais qui ne saurait être l'hystérique en personne. C'est bien en quoi elle incarne ma vérité de tout à l'heure, celle qu'après l'avoir fait parler, j'ai rendu à sa fonction structuraliste.

    Le discours analytique s'instaure de cette restitution de la vérité à l'hystérique. Il a suffi à dissiper le théâtre dans l'hystérie. C'est en ça que je dis qu'il n'est pas sans rapport avec quelque chose qui change la face des choses à notre époque. Je pourrais insister sur le fait que quand j'ai commencé à énoncer des choses qui portaient tout ça en puissance, j'ai eu immédiatement comme écho le splash d'un article sur le théâtre chez l'hystérique. La psychanalyse d'aujourd'hui n'a de recours que l'hystérique pas à la page. Quand l'hystérique prouve que, la page tournée, elle continue à écrire au verso et même sur la suivante, on ne comprend pas. C'est pourtant facile : elle est logicienne.

    Ceci pose la question de la référence faite au théâtre par la théorie freudienne : l'Oedipe, pas moins. Il est temps d'attaquer ce que du théâtre il a paru nécessaire de maintenir pour le soutien de l'autre scène, celle dont je parle, dont j'ai parlé le premier. Après tout le sommeil y suffit peut-être. Qu'il abrite à l'occasion, ce sommeil, la gésine des fonctions fuchsiennes9, comme vous savez que c'est arrivé, peut justifier que fasse désir qu'il se prolonge.
   Il peut se faire que les représentants signifiants du sujet se passent toujours plus aisément d'être empruntés à la représentation imaginaire. On en a des signes à notre époque.
    Il est certain que la jouissance dont on a à se faire châtrer n'a avec la représentation que des rapports d'appareil. C'est bien en quoi l'Oedipe sophocléen qui n'a ce privilège pour nous que de ce que les autres Oedipe soient incomplets et le plus souvent perdus, est encore beaucoup trop riche et trop diffus pour nos besoins d'articulation.
    La généalogie du désir, en tant que ce dont il est question c'est de comment il se cause, relève d'une combinatoire plus complexe que celle du mythe. C'est pourquoi nous n'avons pas à rêver sur ce à quoi a servi le mythe dans le temps, comme on dit. C'est du métalangage que de s'engager dans cette voie et à cet égard les "Mythologies" de Levi-Strauss sont d'un apport décisif. Elles manifestent que la combinaison de formes dénommables du mythème, dont beaucoup sont éteintes, s'opère selon des lois de transformation précises mais d'une logique fort courte, ou tout au moins dont il faut dire que le moins qu'on puisse dire c'est que notre mathématique l'enrichit, cette combinatoire.
    Peut-être conviendrait-il de remettre en question si le discours psychanalytique n'a pas mieux à faire que de se vouer à interpréter ces mythes sous un mode qui ne dépasse pas le commentaire courant, au reste parfaitement superflu, puisque ce qui intéresse l'ethnologue, c'est la cueillette du mythe, sa collation épinglée et sa recollation avec d'autres fonctions, de rite ou de production, recensées de même dans une écriture dont les isomorphismes articulés y suffisent. Pas de trace de supposition, allais-je dire, sur la jouissance qui y est servie.
    C'est tout à fait vrai, même à tenir compte des efforts faits pour nous suggérer l'opérance éventuelle d'obscurs savoirs qui y seraient gisants. La note donnée par Levi-Strauss dans les "Structures" 10. de l'action de parade exercée par ces structures à l'endroit de l'amour ici tranche heureusement. Ça n'empêche pas que ça a passé bien au-dessus des têtes, du fait des analystes, qui étaient en faveur à l'époque.

    En somme l'Oedipe a l'avantage de montrer en quoi l'homme peut répondre à l'exigence du papludun qui est dans l'être d'une femme. Il n'en aimerait lui-même papludune. Malheureusement, c'est pas la même, c'est toujours le même rendez-vous, celui où ... : quand les masques tombent, ce n'était ni lui, ni elle12..
    Pourtant cette fable ne se supporte que de ce que l'homme ne soit jamais qu'un petit garçon. Et que l'hystérique n'en puisse démordre est de nature à jeter un doute sur la fonction de dernier mot de sa vérité.
    Un pas dans le sérieux pourrait, me semble-t-il, se faire à embrayer ici sur l'homme, dont on remarquera que je lui ai fait, jusqu'à ce point de mon exposé, la part modeste, encore que j'en sois un, s'il en est un qui fasse ici parler tout ce beau monde !
    Il me semble impossible, ce n'est pas vain que je bute dès l'entrée sur ce mot, de ne pas saisir la schize qui sépare le mythe d'Oedipe de Totem et tabou.
    J'abats tout de suite mes cartes : le premier est dicté à Freud par l'insatisfaction de l'hystérique, le second par ses propres impasses.
    Ni du petit garçon, ni de la mère, ni du tragique du passage du père au fils, hein, passage de quoi, sinon du phallus. De ce qui a pu faire l'étoffe du premier mythe, pas de trace dans le second.
    Là, dans Totem et Tabou, le père jouit, terme qui est voilé dans le premier mythe par la puissance, le père jouit de toutes les femmes jusqu'à ce que ses fils l'abattent, ne s'y étant pas mis sans une entente préalable, après quoi aucun ne lui succède dans sa gloutonnerie de jouissance. Le terme s'impose de ce qui arrive en retour : que les fils le dévorent, chacun nécessairement n'ayant qu'une part, et de ce fait même, le tout faisant une communion. C'est à partir de là que se produit le contrat social : nul ne touchera, non pas à la mère ici, il est bien précisé dans le Moïse et le Monothéisme, de la plume de Freud lui-même, que seuls parmi les fils, les plus jeunes font encore liste dans le harem. Ce n'est donc plus les mères, mais les femmes du père, comme telles, qui sont concernées par l'interdit. La mère n'entre en jeu que pour justement ses bébés, qui sont de la graine de héros.
    Mais si c'est ainsi que se fait, à entendre Freud, l'origine de la loi, ce n'est pas de la loi dite de l'inceste maternel, pourtant donnée comme inaugurale en psychanalyse. Alors qu'en fait - c'est une remarque, n'est-ce pas, mise à part une certaine loi de Manu qui là punit de castration réelle ..."il s'en ira vers l'ouest avec ses couilles à la main ", tout ça, bon, cette loi de l'inceste maternel est plutôt élidée partout.
    Je ne conteste pas du tout le bien-fondé prophylactique de l'interdit analytique, je souligne qu'au niveau où Freud articule quelque chose de lui, Totem et Tabou, et Dieu sait s'il y tenait, n'est-ce pas, il ne justifie pas mythiquement cet interdit. L'étrange commence au fait que Freud, et d'ailleurs personne d'autre non plus, ne semble s'en être aperçu.

    Je continue dans ma foulée. La jouissance par Freud est promue au rang d'un absolu qui ramène aux soins de l'homme - je parle de Totem et tabou - de l'homme originel. C'est avoué tout ça. C'est du père que je parle, du père de la horde primitive. Il est simple d'y reconnaître le phallus : la totalité de ce qui fémininement peut être sujet à la jouissance. Cette jouissance - je viens de le remarquer - reste voilée dans le couple royal de l'Oedipe, mais ce n'est pas que du premier mythe elle soit absente.
    Le couple royal n'est même mis en question qu'à partir de ceci qui est énoncé dans le drame, qu'il est le garant de la jouissance du peuple, ce qui colle au reste avec ce que nous savons de toutes les royautés, tant archaïques que modernes. Mais la castration d'Oedipe n'a pas d'autre fin que de mettre fin à la peste thébaine, c'est-à-dire de rendre au peuple la jouissance dont d'autres vont être les garants, ce qui, bien sûr, vu d'où l'on part, n'ira pas sans quelques péripéties amères pour tous.
    Dois-je souligner que la fonction-clé du mythe s'oppose dans les deux sens strictement ? Loi d'abord dans le premier, tellement primordiale qu'elle exerce ses rétorsions même quand les coupables n'y ont contrevenu qu'innocemment et c'est de la loi d'où ressortit la profusion de la jouissance.
    Dans le second : jouissance à l'origine, loi ensuite dont on me fera grâce d'avoir à souligner les corrélats de perversion puisqu'en fin de compte avec la promotion sur laquelle on insiste assez du cannibalisme sacré, c'est bien toutes les femmes qui sont interdites de principe à la communauté des mâles qui s'est transcendée comme telle dans cette communion. C'est bien le sens de cette autre loi primordiale, sans quoi qu'est-ce qui la fonde ? Etéocle et Polynice sont là, je pense, pour montrer qu'il y a d'autres ressources. Il est vrai qu'eux procèdent de la généalogie du désir.
    Encore faut-il que le meurtre du père ait constitué, pour qui ? pour Freud, pour ses lecteurs, une fascination suprême pour que personne n'ait même songé à souligner que dans le premier mythe, il se passe, ce meurtre, à l'insu du meurtrier et qui non seulement ne reconnaît pas qu'il frappe le père, mais qui ne peut pas le reconnaître puisqu'il en a un autre, lequel de toute antiquité est son père puisqu'il l'a adopté. C'est même expressément pour ne pas courir le risque qu'il frappe son vrai père qu'il s'est exilé.
    Ce dont le mythe est suggestif, c'est de manifester la place que le père géniteur a en une époque dont Freud souligne que tout comme dans la nôtre, le père y est problématique. Et aussi bien le serait-il, et Oedipe absous s'il n'était pas de sang royal, c'est-à-dire si Oedipe n'avait pas à fonctionner comme le phallus, le phallus de son peuple, pas de sa mère, et qu'un temps, c'est ça le plus étonnant, ça a marché, à savoir que les Thébains étaient très heureux. J'ai souvent indiqué que c'est de Jocaste qu'a dû venir le virage. Est-ce de ce qu'elle ait su ou de ce qu'elle ait oublié ?
    Quoi de commun en tout cas avec le meurtre du second mythe qu'on laisse entendre être de révolte ou de besoin à vrai dire impensable, voire impensé, sinon comme procédant d'une conjuration ?
    Il est évident que je n'ai fait là qu'approcher le terrain sur lequel enfin, disons une conjuration aussi m'a empêché  d'aborder vraiment le problème, c'est-à-dire au niveau du Moïse et du Monothéisme, à savoir du point sur lequel tout ce que Freud a articulé devient vraiment significatif.
    Je ne peux même pas en indiquer ce qu'il faut pour vous ramener à Freud, mais je peux dire qu'en nous révélant ici sa contribution au discours analytique il ne procède pas moins de la névrose que ce qu'il a recueilli de l'hystérique sous la forme de l'Oedipe.
    Il est curieux qu'il ait fallu que j'attende ce temps pour qu'une pareille assertion, à savoir que le Totem et tabou est un produit névrotique, pour que je puisse l'avancer - ce qui est tout à fait incontestable - sans que pour ça je mette en rien en cause la vérité de la construction. C'est même en ça qu'elle est témoignage de la vérité. On ne psychanalyse pas une oeuvre et encore moins celle de Freud qu'une autre, on la critique, et bien loin qu'une névrose rende suspecte sa solidité, c'est cela même qui la soude dans ce cas.
    C'est à ce témoignage que l'obsessionnel apporte de sa structure à ce qui, du rapport sexuel s'avère comme impossible à formuler dans le discours, que nous devons le mythe de Freud. J'en resterai là aujourd'hui.
    Le temps va me manquer en raison des formules... [...] phrases inaudibles  [...je m'excuse... pour    ... s'efforcer d'avancer un peu plus loin que... bruits]
    C'est la prochaine fois que je donnerai à ça, exactement sa portée, car je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendus. Le fait d'articuler d'une certaine façon ce qui est la contribution de Freud au mythe fondamental de la psychanalyse - je le souligne - ce n'est pas du tout, parce qu'ainsi en est soulignée l'origine, rendu suspect, bien au contraire. Il s'agit seulement de savoir où cela peut nous conduire.
 

fin bande sonore



 

1. note EPEL. Dans les Ecrits, il est indiqué que cette conférence fut prononcée le 9 mai 1958 à l'institut Max Planck de Munich.
2. note EPEL. Il s'agit de Yoshimasa Ashikaga, huitième shogun du Muromachi Shogunate qui fit construire à Kyoto en 1480 le temple du Pavillon d'Argent (Ginkaku-ji) bâti à l'extrémité nord du Sentier de la philosophie. [...]
3. note EPEL. "En effet, c'est "quelque chose comme ça" puisque le titre exact de la première édition des Ecrits en espagnol était Lectura estructuralista de Freud.  [...]
4. coupure son à 47'40 le passage qui ne s'entend pas : "Qui ne comprendrait la déception de Freud..."
Cf. notes préparatoires de Jacques Lacan in supplément L'UNEBEVUE  n°8/9, 1997.
4bis. d'après note EPEL, il s'agit du signe logique de l'union U
5. voir note EPEL, p.11 : Comme l'indique l'accent porté sur la pan-talonnade quelques lignes plus loin, Lacan, avec ce pan file une équivoque translangue autour des différentes façons de modaliser "tout" en Grec, selon qu'il s'agit de chacun ou de tous. [...]
6. Dans ses notes préparatoires, Lacan écrit bien : " x  le quanteur pour tout  x mais il prononce encore A de x
6bis. note EPEL : A.Green, Un oeil en trop (le complexe d'Oedipe dans la tragédie), Paris, Minuit, p.264
7. la transcription EPEL propose : "les premières phases de la crise" mais le mot phrases s'entend nettement, comme l'indiquait la vieille version.
8. ou contraste, petite coupure son sur la fin du mot ?
9. note EPEL : Poincaré a découvert la possibilité de construire de vastes classes de fonctions automorphes d'une variable complexe. Il les nommera fuchsiennes et kleiniennes pour rendre hommage à Fuchs et à Klein dont il emploie certains résultats.
10.  Les structures élémentaires de la parenté, Mouton, Paris 1947
note EPEL : Au geste qui cède à la nature pour que se perpétue l'espèce, et qui amène dans l'alliance à "la rencontre de deux amours" - l'amour parental et l'amour conjugal -, Lévi-Strauss oppose le geste qui dans la culture restreint la nature par le double mouvement des structures élémentaires de la parenté : prescriptions exogamiques et prohibition de l'inceste.
11. le "pas plus d'un" est écrit papludun dans les notes préparatoires de J.Lacan.
12. Alphonse Allais, "Un drame bien parisien", ce n'était ni lui ni elle.


top